lundi 26 janvier 2009

IL N’EST PAS ENCORE TROP TARD.-

(05/05/08)

En 1986, le pays avait connu également une crise de la vie chère, en beaucoup de points semblable à celle d’aujourd’hui, mais d’intensité moindre. En effet, les prix avaient subi une montée vertigineuse et cette période marquée par ce qu’on a appelé la bamboche démocratique était accompagnée d’une diminution de l’approvisionnement en céréales et en vivres alimentaires sur le marché local, due en partie à une suite de mauvaises récoltes. Et d’un autre coté, avec les changements sociaux-politiques créés par la chute du régime dictatorial et la montée des revendications de la population pour un mieux être, le terrain était propice pour l’adoption de mesures populaires, comme la réduction des tarifs sur les produits agricoles et l’importation massif de riz et d’autres produits alimentaires, afin de compenser le déficit temporaire de la production nationale et abaisser les prix. Malheureusement, ces mesures vont rester et même seront renforcées au détriment de la production nationale. A l’époque, en tant qu’agriculteur et voyant le danger pour nous les producteurs locaux, nous avons suggéré, de préférence, de transformer la crise en opportunité pour lancer un effort national et adopter un Plan d’Urgence capable de créer des emplois pour augmenter les revenus des familles. On devrait adopter aussi des mesures d’austérité pour réduire les dépenses de l’Etat et dégager des ressources pour financer ce plan. Mais, d’autres facteurs politiques ont prévalu sur l’intérêt national. (Nous publions en fin de texte le Plan d’Urgence que nous avions envisagé en 1986.)

L’ampleur de la crise aujourd’hui est bien plus grande. Elle a déjà créé des émeutes dans plusieurs villes du pays et dans la capitale. D’essence conjoncturelle, cette crise pourrait devenir structurelle, si les mesures appropriées ne sont pas adoptées à temps. Ainsi, nous proposons un Plan d’Urgence sur une période de trois ans qui prend en compte la nécessité de procéder à des réformes dans la gestion de l’Etat, des mesures temporaires pour abaisser le coût de la vie, et le lancement de plusieurs grands chantiers pour créer du travail, tout en mettant en place des structures pour la décentralisation du pays. Car, comme pour les dernières émeutes, nous pouvons prévoir d’autres bien plus graves qui pointent déjà à l’horizon.

En effet, le 9 mars dernier, nous avons lancé l’avertissement dans L’AVANT PROPOS du texte I, de la série « AVANT QU’IL SOIT TROP TARD », pour dire que le risque d’avoir des émeutes dans le pays était imminent. Nous avons tenu compte d’un seul facteur qui est la récession qui frappe actuellement les Etats-Unis, là d’où vient la plus grande partie des transferts de la diaspora qui tiennent l’économie du pays à flot et qui permettent à une bonne partie de la population du pays de survivre, de trouver de quoi manger, d’envoyer leurs enfants à l’école, de payer pour les soins médicaux, de payer leur loyer etc. etc. etc. Mais, nous savons tous, en plus de la récession américaine, les prix des produits que nous importons ont augmenté et continuerons à augmenter. Cela est dû à la hausse des prix du pétrole et une forte augmentation de la demande pour les produits alimentaires sur le marché international qui dépasse l’offre des pays grands exportateurs. Une situation de rareté qui est très favorable à la spéculation également.

Considérons d’abord la récession économique aux Etats-Unis et son impact sur la diaspora haïtienne dans ce pays. C’est le troisième mois successif que les entreprises aux Etats-Unis ont envoyé au chômage plusieurs dizaines de milliers de travailleurs. Nos compatriotes qui sont en situation illégale sont très affectés par cette situation. En fait, le nombre d’Haitiens licenciés n’apparaît pas dans les statistiques, car ils ne sont pas en position d’aller réclamer des allocations de chômage. Etant des employés sans qualification technique et sans papiers légaux, ils sont les premiers à être renvoyés par les entreprises de service et les petits employeurs là ou ils travaillent. Ensuite, ils ne sont pas membre de syndicat ou d’aucune autre structure à travers lesquels ils pourraient faire passer leurs revendications. Ils sont obligés de prendre leur drame au cœur et de vivre sur leur épargne. Nous devons savoir que ce groupe de la diaspora est de souche récente et a laissé de la famille aux pays et des relations de bon voisinage de cousins et cousines. Donc, c’est ce groupe qui supporte le plus le pays et envoie des provisions et de l’argent régulièrement, et pour toutes les occasions, à la famille et au voisinage.

Visitant un ami de Floride qui est sans papier, il nous a raconté, c’est la première fois qu’il est en train de vivre une situation si pénible. D’après ce qu’il nous a dit, il envoie la plus grande partie de ce qu’il gagne en Haiti. Une partie va à sa famille et ses voisins. Le reste, on le dépose pour lui dans un compte d’épargne de Port-au-Prince, d’où il tire des fonds pour financer la construction d’une petite maison pour son père, sa mère, sa femme et ses enfants et quelques parents qui habitent avec eux dans une maison qu’il a affermée au bas de Delmas. Sa famille est de la province du Sud, et il est très fier d’avoir pu les faire rentrer à la capitale et considère un succès d’avoir pu faire tout cela. Mais, avec le prix du ciment et du fer qui avait augmenté considérablement, il avait pris la décision de camper sur le chantier de la maison ; et il a du prendre de ces fonds pour aider sa famille à tenir les deux bouts, car tout est devenu plus cher depuis la rentrée des classes, l’année dernière. Entretemps, il a perdu son job et ne sait pas à quel saint se vouer. Il ne gardait pas d’argent, ici, en Floride, car sans papier, il ne pouvait pas prendre la chance d’aller à une banque faire un dépôt. Il a toujours eu, à la maison, juste de quoi tenir jusqu'à la prochaine paie à son travail. Maintenant, il a déjà demandé à sa famille de retirer un peu d’argent qu’il avait à la banque en Haiti, et de le lui envoyer afin qu’il puisse vivre en attendant qu’il trouve un travail pour se débrouiller. Mais, il nous a dit, son plus grand problème c’est la peur. Il a toujours peur. Peur quand il va au travail, car s’il voit un policier venir dans sa direction, il a peur que cet agent procède à son arrestation et le déporte en Haiti. Il a peur quand il monte dans un autobus, car si quelqu’un le regarde trop, il pense qu’il pourrait être un agent de l’immigration des Etats-Unis qui l’arrêterait pour le déporté en Haiti. Il a peur le soir quand il est sur son lit et que quelqu’un frappe à la porte, car il se pourrait que ce soit un agent qui veut l’arrêter pour le déporter en Haiti. Il a beaucoup peur d’être déporté en Haïti. Malgré qu’il aime beaucoup son pays, il a du se refugier à Miami pour avoir la chance de trouver un job et gagner honnêtement sa vie. Mais, maintenant, il a très peur, que déporté en Haïti, il va se trouver dans la même situation qu’avant, sans travail, sans avenir, dans le pays. Sa situation est semblable à celle de milliers d’autres Haitiens qui vivent dans la diaspora.

Les Haïtiens qui jouissent de la résidence légale ne sont pas mieux lotis. Ils subissent la crise de façon très dure, et un consultant des organisations de base, en Floride, nous a dit que plusieurs milliers de membres de la diaspora ont déjà perdu leurs maisons ou sont en voie de les perdre dans le tumulte de la crise immobilière. D’après son analyse, les couches les plus faibles de la société américaine sont les premières victimes de la crise immobilière aux Etats-Unis. Cette crise, rappelons-nous, a pour base que des entreprises d’hypothèques avaient financé des maisons pour des milliers d’acheteurs qui n’étaient pas qualifiés pour obtenir une hypothèque, soit par manque de ressources financières pour faire un acompte ou pour payer l’hypothèque régulièrement. Les financiers ont, en réalité, fermé les yeux sur ces détails pour entrer sur ce marché ou ils ont chargé des taux d’intérêts très élevés et ont réalisé des commissions exorbitantes. Ils ont vendu à ces acquéreurs non avertis des hypothèques qui n’exigeaient pas de gros versements de départ, mais exigeaient des paiements croissants. Ce marché de dupe s’est effondré quand les paiements mensuels vinrent à dépasser largement les revenus de ceux qui ont fait l’acquisition de leur maison avec ces contrats contraignants. Les vendeurs de ces genres d’hypothèques avaient ciblé les couches sociales économiquement faibles, comme les membres de la diaspora Haïtienne pour qui avoir une maison aux Etats-Unis est un rêve très caressé, comme aussi envoyer leurs enfants à l’université et obtenir la résidence légale. Donc, actuellement, la communauté Haïtienne est très affectée par la crise immobilière qui peut se traduire par une chute importante dans les transferts d’argent qu’ils font pour leurs parents et amis restés au pays. Ceux qui avaient acheté leurs maisons dans de bonnes conditions, le plus souvent prenaient une seconde hypothèque pour financer la construction d’une maison en Haïti, pour leur famille et leur retraite. Donc, la tendance est pour eux, aujourd’hui, de cesser ces investissements. Cela va ralentir le secteur de la construction, le plus dynamique de l’économie du pays.

Il y a de nombreux autres points, révélés par une enquête réalisée récemment par la Banque Interaméricaine de Développement (BID) sur des communautés d’immigrés aux Etats-Unis, qui peuvent s’appliquer à la communauté Haïtienne également.

La question de la vie chère dans le pays, comme nous le savons, est très marquée par le prix du pétrole qui à presque doublé en moins de deux ans. D’après les prévisions sur le marché international, les prix continueront à augmenter dans les prochains mois. Ainsi, cela va continuer à affecter le coût de la gazoline et du diesel dans le pays qui est utilisé pour le transport public. Donc, les travailleurs, les petits commerçants, les élèves et étudiants qui utilisent ce service de transport auront, dans les mois qui viennent, une situation encore plus difficile que maintenant si un Plan d’Urgence ne prend pas en compte leur situation.

Les prix des céréales, comme le riz et le blé, pourraient baisser avec l’augmentation de la production dans les grands pays exportateurs. Car, les producteurs vont chercher à prendre avantage des prix élevés sur le marché international. Mais les analystes croient que la production restera en-dessous de la demande du à la consommation qui va continuer à augmenter dans les pays comme l’Inde et la Chine où les populations ont beaucoup plus de revenus et consomment beaucoup plus de nourriture qu’avant. Certes, il faut ajouter à tout cela la spéculation qui va empêcher au prix de revenir au niveau des années précédentes.

Donc, la vie chère va continuer dans le pays tant que la production n’augmentera pas. Mais, s’il n’y a pas de travail, même si les prix baissaient un peu, les gens continueront à ne pas avoir d’argent pour en acheter. Donc, sitôt que la saison des fruits passera, nous allons recommencer à ressentir cette faim atroce. La population va être à nouveau très mécontente. Ainsi, le risque de voir surgir une situation chaotique généralisée avec une tendance anarchique et des émeutes partout, n’est pas à écarter. Si la situation de la population continue à se dégénérer et que les mesures seraient de diminuer le nombre des emplois au lieu de les augmenter, et qu’on ne sait plus à quel saint se vouer pour enrayer le mal, il va arriver un moment où les forces de sécurité perdront le contrôle des rues. La pression continue sur les forces de sécurité, si elle prenait des proportions très importantes, pourrait aussi forcer des pays qui composent la MINUSTHA à faire le retrait de leurs troupes. Ceux qui ont faim n’entendront pas raison. Car, ventre affamé n’a pas d’oreilles. Ils voudront avoir des solutions concrètes à leur problème. N’attendons pas trop avant de trouver les solutions. Gouverner c’est prévoir.

Par deux fois, nous avons essayé d’attirer l’attention du Président de la République sur le sujet. Le patriotisme nous a porté à écrire au Président. Dans la première lettre datée du 19 avril 2007, nous avions mentionné que des dispositions pourraient être prises afin de mobiliser les ressources humaines, financières et techniques, tant sur le plan local que dans la diaspora, en vue de supporter un effort national pour relancer le programme de déconcentration et de décentralisation qui a le potentiel de créer au moins cent quatre vingt mille (180.000) emplois dans les municipalités de nos provinces, pendant son quinquennat, en mettant l’accent sur les jeunes, le renforcement des mairies et la création de milliers de petites entreprises capables de générer ces emplois.

Dans une nouvelle lettre datée du 4 février 2008, pour le remercier de son amabilité de nous avoir envoyé une carte de fin d’année qui faisait les souhaits d’un pays plus juste et prospère, nous nous sommes permis de répéter au Président que les Haitiens ont soif de travailler pour leur pays et qu’il avait une occasion historique de les entraîner dans cette voie et de leur donner satisfaction. Ainsi, il y aurait lieu de lancer un plan très ambitieux afin de les mobiliser et créer un vrai engagement pour le progrès du pays.

Comme l’a dit récemment, Robert Zoellick, le Président de la Banque Mondiale, « les pauvres et les affamés ne peuvent pas attendre. » Il faut un Plan d’Urgence. Mais, nous devons profiter aussi de ces circonstances graves pour mettre au point un Plan de Développement Régional afin de décentraliser le pays, et poser les jalons pour un plan de Modernisation sur les 25 prochaines années qui est un souhait cent fois répétés du Président René Préval. Nous devrions faire en sorte que ces situations d’urgence ne continuent plus à se répéter, comme quoi, nous avons une manie de ne pas anticiper ce qui peut arriver.


SCHEMA DU PLAN D’URGENCE DE 2008

I. Adoption de mesures d’austérité pour dégager du trésor public 6 milliards de gourdes l’an pour alimenter 3 Banques de Développement Régionales qui grace à des instruments financiers émis par un Fond de Développement Régional solliciteront les investisseurs Haïtiens dans le pays et à l’étranger à participer à cet effort national axé sur des pôles de développement régionaux.
II. Modernisation et équipement de trois villes régionales, Cap-Haitien, Cayes et Hinche, qui devront servir de points focaux pour les Pôles de Développement articulés dans le Grand-Nord, le Grand-Sud et le Grand-Centre du pays.
III. Passation par le parlement d’une résolution pour reconnaître comme un cas de force majeure que la capitale du pays, le siège du gouvernement, soit établi chaque année, alternativement, dans l’une des trois régions pour, de ce fait, servir à dynamiser la modernisation desdites régions et leur valorisation.
IV. Restructuration du Budget National pour allouer un minimum de 20% des fonds à la déconcentration administrative et à la décentralisation qui inclurait une dotation financière des mairies sur une base proportionnelle et une partie des fonds servirait à financer des projets municipaux selon les critères établis par le gouvernement central.
V. Négocier un Moratoire avec les bailleurs de fonds internationaux afin que les mesures de développements régionaux qui visent à relancer la production, créer de multiples nouvelles entreprises et de la richesse, et générer du travail pour les milliers de chômeurs sans ressources, puissent commencer à avoir leurs effets positifs avant de procéder au licenciement massif dans le cadre de la reforme des entreprises publiques. Les négociations porteront aussi sur l’utilisation rationnelle d’une partie des réserves de la Banque Nationale (BRH) dans le financement du programme de développement des pôles régionaux.
VI. Compte tenu de la dégradation de la vie quotidienne et de la frustration manifeste de la population face à la montée des prix, dans l’intérêt de la paix des rues, des dispositions devaient être prises pour apporter un soulagement aux groupes les plus sensibles de la population. Ces dispositions pourraient s’étendre sur une période de 3 à 6 mois et les manques à gagner qu’ils pourraient entrainer pour le trésor public seraient absorbées par la réduction des dépenses prévues dans les mesures d’austérité dans le gouvernement.
Les Mesures d’Austérité et de Réforme Administrative
Le but de ces mesures serait de réduire les dépenses de fonctionnement de l’Etat et de dégager la somme de 6 milliards de gourdes pour financer le Plan d’Urgence. La moitié de cet argent, soit 3 milliards, doit servir de capital initial pour un Fond National de Développement Régional (FNDR) qui à travers 3 Banques Régionales de Développement (BRD) financera une série d’activités dans les 3 Pôles de Développement Régionaux (PDR). Les mesures d’austérité seront les suivantes :
1- Réduction du Budget de la Présidence de 50%
2- Réduction du Budget de la Primature de 50%
3- Redistribution des Portefeuilles Ministériels afin d’économiser 20% du budget de fonctionnement et de rendre le cabinet ministériel du gouvernement plus efficient, et doter les ministères de missions capables de répondre aux exigences du moment. Le nombre des Ministères se réduirait à 10 dans le respect des prescriptions constitutionnelles.
Il est bon de noter que dans la nouvelle formulation du Cabinet Ministériel, seul les Ministres formeront le Cabinet Ministériel. Et chaque Ministre d’Etat aura son propre cabinet formé de Secrétaires d’Etats, de Directeurs Généraux et de Directeurs Centraux. Dans le cadre de l’application des mesures de déconcentration administrative, certains Secrétaires d’Etat pourraient avoir leur office dans une capital régionale dans le but de se trouver à proximité de leur centre d’opération et de renforcer l’administration régionale.
LES LIGNES DE FINANCEMENT DES BANQUES REGIONALES
Chaque Banque de Développement Régionale (BDR) sera dotée par le Fond National de Développement Régional (FNDR) d’un capital initial de 1 milliard de gourdes tiré des 6 milliards dégagés par les mesures d’austérité. Le Fond continuera à faire appel à des capitaux par la vente de bons à terme émis avec des coupons de $10, pour permettre d’attirer la participation des investisseurs à faible revenu du pays et dans la diaspora. Les estimations préliminaires font prévoir que la levée de fond par le FNDR pourrait être de $150 millions en moyenne l’an, soit $50 millions par région. Cette prévision représente aujourd’hui à peu prés 10 % du transfert annuel de la diaspora vers Haiti.

Ces fonds seront régis par les règlements internationaux dans le domaine, et consacrés à financer les 3 régions désignés et des activités rentables uniquement, telles que :
1- Construction de bâtiments, de centres commerciaux et de logements
2- Développement de 3 campus universitaires pouvant accueillir un minimum de 15 mille étudiants, soit le nombre d’étudiants haïtiens qui étudient actuellement en République Dominicaine
3- Développement d’un réseau régional de Collèges Techniques, d’Art et Métiers avec la capacité d’accueillir 9 mille étudiants pour supporter le plan régional
4- Développement d’un système de service de soins de santé avec une capacité intégrée de 3 mille lits d’hôpitaux
5- Développement d’un réseau de lacs artificiels pour l’approvisionnement en eau d’irrigation pour l’agriculture et en eau potable pour la population des villes et des villages
6- Développement de systèmes de production et de distribution de l’énergie solaire, éolienne, et de bioénergie telle que le biodiesel et l’éthanol
7- Développement d’un réseau d’auberges pour accueillir les touristes locaux et étrangers
8- Financement de petites et moyennes entreprises dans le secteur industriel, de l’agro-industrie, des coopératives agricoles, d’élevages et d’artisanats
9- Financement de coopératives de distribution commerciale et de service
10- Financement d’entreprises professionnelles organisées en réseau régional

Il faut noter que le financement du FNDR représentera l’étape initiale du financement d’un Pôle Régional de Développement (PRD). Une fois le test de résultat traversé, il y aura d’autres efforts du FNDR pour obtenir le financement d’institutions financières internationales spécialisées et le Fond cherchera également à attirer des investisseurs du marché financier international qui s’intéressent au pays en développement. L’objectif final serait d’absorber un financement d’environ $1 milliard par région. Nous avons, dans la diaspora, des financiers avec la compétence et l’expérience nécessaire pour prendre charge du Fond National de Développement Régional et le conduire pour le succès de sa mission. Ses compétences n’attendent que l’opportunité de contribuer.
LES MESURES IMMEDIATES DE REDUCTION DE LA VIE CHERE
Les mesures d’urgence de réduction de la vie chère seraient envisagées pour avoir une application provisoire et certaines auront une application limitée et circonscrite à une région spécifique. La situation de vie chère qui affecte la population est directement liée au déficit dans la production alimentaire par rapport aux demandes, l’augmentation des prix du pétrole et ses conséquences sur les prix des produits, et le transport, l’absence de travail pour créer des revenus et permettre à la population de payer pour les biens et services, même quand leurs prix augmentent. Les manques à gagner et les dépenses qu’entraineront ces mesures seront compensées par la réduction des dépenses de fonctionnement envisagées dans les mesures d’austérité. Ces mesures pour soulager la population seront de plusieurs ordres :
Administratives et Fiscales : Les ports des villes de province seront ouverts et leur contrôle administratif renforcé afin de leur permettre de recevoir les marchandises alimentaires qui bénéficieront, sur une période de trois mois, d’une réduction de 50% du tarif douanier courant. Les tarifs seront rétablis à leur niveau actuel, graduellement, sur la période de trois mois qui suit.
Les matériaux de construction, tels le fer, le ciment et autres, bénéficieront de cette réduction aussi sur la base de ces mêmes périodes.
Alimentaire : Des coupons pour l’achat de produits alimentaires seront offerts à travers les mairies et les écoles de certaines zones ciblées, pendant une période de 3 à 6 mois.
Transport Public : Des coupons de réduction de prix du gallon de gazoline et de diesel seront délivrés aux chauffeurs des véhicules de transport public, à travers les syndicats de transport. De sorte que les prix chargés aux passagers pourront être réduit sur la base du montant des coupons qui seront négociés avec les syndicats du transport en commun.
Les taxes sur l’immatriculation et les vignettes des véhicules publics seront calculées sur une période de 3 ans. Pour la première année, le paiement de ces taxes seront de 20% du montant à payer sur les 3 ans ; de 30% la deuxième année et de 50% la troisième année, basée sur un protocole qui sera signé avec les syndicats du secteur transport.
Emplois pour les Jeunes : Environ 3000 étudiants seront engagés pour des emplois temporaires de 3 à 6 mois. Leur occupation sera, en grande partie, dans l’exécution des mesures d’urgence, et les plus qualifiés parmi eux seront engagés pour des stages dans l’administration publique.
Les mairies dans certaines zones ciblées recevront une dotation pour engager des jeunes pour créer des pépinières forestières communales. Ces pépinières, d’essences diverses, viseront à préparer des millions de plantules dans le cadre d’un programme national de reforestation.
Toutes ces séries de mesures viendront en complément à celles déjà en cours et devront être consolidées pour éviter les répétitions et le gaspillage dans cette période d’austérité nationale.

SCHEMA DU PLAN D’URGENCE PROPOSE EN DECEMBRE 1986

Pour sortir de la crise que nous vivons actuellement un train de mesures s’impose pour apaiser la situation des couches les plus défavorisées de la population.

1- Austérité : Il y a moyen d’adopter des dispositions, pour dégager de nos propres ressources un budget exceptionnel de CINQUANTE MILLIONS DE DOLLARS, au moins. Mais il faut nécessairement la volonté d’appliquer ces mesures.
a) Réduire le salaire des membres du gouvernement de 50% (CNG et Cabinet ministériel).
b) Ramener les plus hauts salaires et allocations, dans tous les bureaux de l’Etat, sans exception, à un niveau supportable dans l’immédiat.
c) Vendre toutes les voitures de luxe, indistinctement en usage dans les services de l’Etat. (les réexporter s’il y a lieu)
d) Transférer un certain nombre de ministères au palais national, qui deviendra de ce fait, le palais du gouvernement.
e) Vendre les bâtiments logeant des ministères, comme celui de l’information, de la justice, des sports etc.…
f) Vendre tous les biens ayant appartenu à l’ex-président qui sont localisables, ou saisis par l’Etat Haïtien à l'extérieur.
g) Fermer provisoirement les représentations diplomatiques d’importance secondaire.

2- Création d’Emplois : Au fur et à mesure que les fonds dégagés des mesures d’austérité seront collectés, ils seront alloués à des activités à haute utilisation de main-d’œuvre.

a) Travaux de construction : Entamer les travaux pour la deuxième route de Carrefour, débuter celle qui reliera le Plateau Central à l’Artibonite, en passant par Mirebalais, réparer et agrandir la route qui relie Gonaïves à Port-de-Paix, améliorer la route d’Ennery, St Michel de L'Attalaye, entamer la route de Baradères-Jérémie, commencer les travaux de réparation du Bassin Général (Plaine du Cul-de-Sac), également ceux de la Rivière du Limbé, et des travaux de protection contre la crue des ravins à la Gonâve.
b) Travaux forestiers et agricoles : Préparation d’une pépinière de six millions de plantules, d’essence diverses, reparties dans dix zones de plantations. Création d’un programme de plantation de dix mille hectares de terre en ananas, dans plusieurs régions du pays. Création d’un programme de plantation de vingt mille hectares de terre en manioc, dans cinq régions du pays.
c) Artisanat : La passation d’une commande, d’un million d’exemplaires, de lanternes décoratives en « Kit », des adolescents désœuvrés de la capitale. La passation d’une commande de plusieurs millions d’exemplaires d’articles en latanier, sisal, baneco, céramiques, etc.… des artisans ruraux.
d) Travaux d’embellissement : Repeindre tous les édifices publics des villes et encourager le commerce et l’industrie à en faire autant. Réaménager toutes les places publiques des villes. Monter des brigades, sous contrat, pour ramasser les détritus dans toutes les villes.

3- Abaissement du coût de la vie : D’autres mesures devront suivre ces dernières, pour abaisser le coût de certains produits, surtout en ce qui concerne les produits agricoles.

a) Importation du bois brut, et du charbon en vrac par le port de Miragoâne.
b) Importation du ciment par le port des Gonaïves.
c) Elimination de toutes les taxes sur l’irrigation pour l’année fiscale 1986 – 1987.

Il serait sage qu’un tel plan soit mis en place avant le début des élections, bien que cela pourrait impliquer le report de la date desdites élections. La situation est explosive, et les élections ne feront qu’exacerber les clivages, et occasionner des affrontements entre les forces en présence. Aucun vrai patriote ne souhaite, en fait, voir la population s’entretuer et pratiquer un suicide collectif.

samedi 10 janvier 2009

VIII- CENT QUATRE VINGT TROIS ANS APRÈS


Construisons Ensemble un État Démocratique, Moderne et Prospère

Par Paul G. Magloire
Décembre, 1986
(PAGES RETROUVÉES VIII)



CENT QUATRE VINGT TROIS ANS APRÈS la colonisation, les principales villes du pays sont restées situées sur les côtes, avec pour principales fonctions le drainage des ressources nationales et leur exportation vers les pays étrangers ; et il en est ainsi des matières premières comme des hommes. Durant ces dernières décennies, ce processus a atteint le seuil du macabre. Car Port-au-Prince a littéralement vampirisé les provinces. Comme le seul port officiellement ouvert au commerce extérieur, tous les échanges avec l’étranger transitent par les hommes de la capitale. Le résultat est un spectacle criant. Tandis que, les autres villes du pays sont exsangues, dépérissent ou survivent au prix d’expédients de toutes sortes, la capitale a atteint une proportion énorme. Elle est d’une obésité scandaleuse. La décentralisation fédéraliste sera en fait, un acte de rachat moral pour la capitale. Car la situation a déjà traversé le cap du tolérable.

L’articulation de la nouvelle communauté urbaine du pays tiendra compte de trois critères principaux de direction. Les capitales régionales seront aménagées dans la perspective de démocratiser les structures sociopolitiques du pays. Elles apporteront un renforcement substantiel à la capacité des provinces de trouver des solutions adéquates à leurs propres problèmes. Mais, elles encourageront les populations de chaque région à choisir entre divers modes d’activités, de créer, rechercher, découvrir, définir et participer à la vie nationale selon leur possibilité. Ensuite, il y aura une amélioration dans les rapports entre la ville et la campagne du fait que ces rapports devront s’effectuer et se systématiser en fonction de la spécificité et des besoins de la région. En dernier lieu, la modernisation devra apporter aux individus de la communauté urbaine un environnement technologique propre à faciliter et améliorer leurs attitudes et l’efficacité de leurs actions dans la vie quotidienne. Donc, prenant en compte tout cela, les juridictions régionales serviront de pôles d’attraction vers l’intérieur du pays.

Nous pouvons prévoir le réaménagement du territoire national en QUINZE régions : Fort-Liberté, Cap-Haïtien, Gonaïves, Port-de-Paix, Hinche, Mirebalais, Croix-des-Bouquets, Saint-Marc, Petit-Goâve, Jacmel, Miragoâne, Cayes, Jérémie, l’Ile de la Gonâve et Port-au-Prince la capitale fédérale. Les délimitations juridiques seront basées sur des critères d’affinité, de vocation et de complémentarité, tant du point de vue social qu’économique. Le plan de dotation assurera un crédit budgétaire de SIX MILLIONS DE DOLLARS à chacune de ces régions, à l’exclusion de la capitale, afin qu’elles commencent à aménager leur capitale. Le plan de la ville sera fourni par la direction générale de l’aménagement, et l’exécution sera laissée à des entreprises privées sous la supervision du ministère de l’équipement. Les premières constructions prendront place dans l’aire centrale de la ville où seront bâties la maison du gouvernement régional, celle de l’assemblée régionale, la mairie, l’édifice qui devra loger le commissariat de police et le service des pompiers ; il y aura également un parc et la maison de la culture. Chaque ville s’épanouira en fonction des réalités de sa région. Et certaines de ces villes devront développer les possibilités de logement, de service pour accommoder dans les quarante prochaines années des populations qui seront dans certains cas dix fois supérieures à celles d’aujourd’hui. L’armature de ces villes, tels que les infrastructures routières, approvisionnement en eau potable, la canalisation et la récupération des eaux usagées et de ruissellement, la décharge des déchets seront prévus à cet effet.

Le cas de Port-au-Prince sera assez spécial, vu que la capitale a déjà atteint un seuil de concentration démographique pour lequel elle n’était pas construite. L’approche qui sera adoptée dans ce cas sera d’intégrer les zones marginales dans des armatures suburbaines reliées à l’armature centrale. De nouveaux axes routiers joueront un rôle important dans ce réaménagement. Par exemple, pour la zone de Carrefour, une autoroute à grande circulation sera construite. Elle partira du haut de la Troisième Avenue de Bolosse pour atteindre Gressier. La voie ordinaire en usage actuellement deviendra une route à circulation restrictive pour les matériels roulants lourds. Une autre voie sera construite parallèlement à celle-ci sur le littoral et sera réservée aux piétons et aux cyclistes. Le projet de construction d’une autoroute partant de la zone de l’aéroport pour atteindre Pétion-Ville, en passant par la zone des Frères, se réalisera dans cette même perspective. Ensuite, le centre ville sera reconditionné dans le sens d’une revitalisation. Tout d’abord les rues orientées Est-ouest, comme la Rue Pavée, seront dallées et réservées strictement aux piétons. De l’autre, les rues perpendiculaires à celles-là seront alternativement à sens unique, sauf pour la Grand-rue et le boulevard du Bicentenaire qui seront à double sens. Il sera tracé des axes de dégagement à quatre voies qui descendent vers le centre ville. Un sera construit du coté du cimetière, un autre du coté de l’aviation et deux autres, à sens unique, seront constitués par la Rue des Casernes et la Rue St. Honoré. Un certain nombre de « Parking » souterrains seront construits dans l’aire du centre ville pour permettre aux usagers de garer leur voiture. Les ensembles de bâtiments communément appelés « block »seront dégagés à l’intérieur, avec ouverture sur les rues. Des cours et terrasses seront aménagées, à l’intérieur de ces ensembles, avec jardin et décor artistique. Les constructions seront à trois niveaux. En général, le rez-de-chaussée d’un bâtiment sera réservé aux boutiques, restaurants, magasins et au commerce. Le premier étage accommodera des offices et le deuxième sera aménagé en appartements à prix modéré pour attirer une clientèle de jeunes couples. L’esthétique de la zone sera rehaussée par une architecture utilisant largement le cuivre et le verre mélangé au béton.

La SOGI donnera aux entrepreneurs une incitation pour les encourager à réaliser cet aménagement. Le financement pour la construction dans cette zone sera à un taux modéré avec un délai de remboursement à long terme. Ensuite, le taux de l’imposition foncière étant le même pour tout le pays, l’imposition locative immobilière dans cette zone sera réduit à un niveau presque symbolique. Les autres points de la capitale ne seront pas négligés. Delmas, les différentes cités, les vieux quartiers seront tous réaménagés et leurs immeubles seront graduellement restaurés. Des espaces verts apporteront de l’agrément à l’espace urbain. Un peu partout le paysage floral des jardins publics sera marqué par la prédominance de couleurs vives telles le rouge et le jaune. Plus loin, le parc des Palmistes sera réaménagé ainsi que la cité du Bicentenaire, où seront transférés les bureaux des ambassades étrangères et des organismes internationaux. De même, l’espace désaffecté du terrain d’aviation « Bowen Field » sera converti en un parc d’attraction pour enfants avec des centres de ventes à grande surface. Il y aura dans l’aire du parc un bâtiment qui servira à recevoir des congrès internationaux et des conférences.

Toutes les autres capitales recevront l’attention des instances fédérales afin de favoriser un épanouissement harmonieux dans les quarante prochaines années. La SOGI et le CAP, entre autres organismes fédéraux, conjugueront leurs efforts pour entraîner l’apparition dans les capitales des services nécessaires au développement de chaque région.

À Fort-Liberté, il y aura certes l’agrandissement et l’aménagement de l’aire urbaine, et la construction d’une autoroute reliant Ouanaminthe à Cap-Haïtien. À coté de cela, il sera aménagé dans cette région, l’une des plus grandes infrastructures industrielles du pays. Tout d’abord, dans le site de la plantation Dauphin sera installé un complexe moderne de production d’eau potable et d’électricité à partir de l’eau de mer. Ce complexe alimentera la région en eau potable et en électricité et servira à l’approvisionnement des zones résidentielles et du parc industriel de la région. Il y aura dans le parc des entreprises agro-industrielles engagées dans la préparation des semences agricoles, la plantation de fleurs pour l’exportation, la préparation des produits à base de manioc, des conserveries de légumes, de fruits, de poissons ; des industries qui exploiteront le soufre, le cuivre, et enfin celles qui feront le montage de matériel électroménager, d’appareils mécaniques, de petits équipements agricoles, d’équipement électronique, d’ameublement etc.

On pourra trouver un parc analogue à celui de Fort-Liberté au Cap-Haïtien. Ici, le développement touristique et l’agro-industrie seront prioritaires. En outre, il sera développé un artisanat de métaux précieux qui trouvera un débouché sur le marché touristique de la région. Le Cap-Haïtien est une région immensément riche en possibilités naturelles et en ressources humaines. L’orgueil régional sera dans cette région un facteur important pour l’accélération du développement économique. La région du Cap-Haïtien porte en elle-même une grande promesse d’avenir.

Gonaïves n’est pas une région très favorisée du point de vue sol. Mais le marbre et le sable calcaire du sous-sol assureront à cette région des revenus importants. L’installation dans la région d’une industrie de ciment qui trouvera une matière première abondante dans la région élargira considérablement le marché de l’emploi. Ensuite, la perspective de trouver des débouchés à l’extérieur pour le sable calcaire fait prévoir que la région pourra tirer bientôt d’importants revenus de ses immenses carrières de sable. Gonaïves a aussi de vastes possibilités pour le développement agro-industriel et artisanal. Les principales productions agricoles pourront devenir le coton, les haricots, et le millet qui servira à la production de l’alimentation pour le bétail, grace à l’irrigation des zones désertiques.

Port-de-Paix est pratiquement isolée des grands axes routiers du pays. Le gouvernement fédéral aura à intervenir pour aider cette région à améliorer ses voies de communication. L’industrie d’assemblage fleurira dans toute la péninsule sitôt que les infrastructures adéquates seront mises en place. De l’autre coté, l’industrie de pêche connaîtra un essor, bien qu’elle sera maintenue à un niveau technologique proche de l’artisanat afin de protéger la flore aquatique des côtes de cette région. La capitale régionale de la péninsule du Nord-ouest sera le siège de la Société Nationale de pêche et de transport Maritime. Cette société, qui sera créée par l’Etat en partenariat avec le secteur privé, aura sous sa direction un chantier de réparation navale au Mole St. Nicolas. En fait, le commerce maritime restera le secteur d’activité économique le plus important à Port-de-Paix.

Hinche sera développée sur la richesse de sa potentialité agricole. La multiplication de fermes d’élevage dans cette région sera l’une des priorités du budget fédéral de développement. Cela entraînera la création de nombreuses entreprises engagées dans la préparation du lait et des produits dérivés. Une attention particulière sera accordée également à l’industrie de la viande. L’important sera d’aider cette région à développer une ligne complète de transformation de matières premières agricoles qu’elle possède en grande quantité. Des petites unités de production d’articles à partir de l’argile participeront activement au développement de l’économie de la région. Les produits de ces petites entreprises trouveront un débouché important sur le marché local. Les articles décoratifs intéresseront les touristes, et les nouvelles normes de construction définies pour l’habitat haïtien, en appellera à une utilisation intensifiée de briques, tuiles et claustras d’argile. La région sera alimentée par une centrale hydroélectrique qui sera construite en coopération avec la république voisine.

Mirebalais est placée sur la route des grands centres de production et du commerce du pays. Elle se spécialisera dans les activités de commerce et de services. Par exemple, le service médical hospitalier sera développé au point d’attirer une clientèle internationale. On prévoit la création de centres d’accueil pour étudiants, et des maisons de retraite pour vieillards, desservant une clientèle locale et étrangère. Cette région sera strictement protégée contre toute forme de pollution. Les produits alimentaires et fruitiers occuperont l’essentiel de l’activité agricole de la région. C’est dans la région de Mirebalais que seront placées l’Université Autonome d’Haïti et le Centre Olympique Fédéral. Et les principaux édifices de l’Institut de Recherche et de Technologie.

Croix-des-Bouquets sera équipée des plus grandes infrastructures industrielles et commerciales du pays. Des industries légères, des chaînes de montage, d’assemblages et des usines de transformation s’étaleront de la Zone de Fonds Parisien à Fonds Verrettes. Une zone commerciale franche sera établie à Malpasse. À l’extrême Ouest de la ville de la Croix-des-Bouquets sera construit un supermarché régional moderne équipé de nombreux bureaux centraux de service public tels que Banques, Poste, Téléphones et Télégraphes, Services d’impôts et taxes, d’état civil, des Entrepôts, des Maisons de consignations, Services d’incendie, Salle de Cinéma, Clinique, Service de Garages et une multiplicité de larges magasins. Enfin, il aura toutes les facilités nécessaires qui devront permettre à ce centre de mériter sa position nationale. Ce centre aura également, une gare routière centrale et un local pour recevoir des foires nationales et inter caribéennes

St. Marc, L’île de la Gonâve et Petit-Gôave auront un développement assez identique bien qu’on pourra dénombrer de grandes différences. Sur le plan agricole par exemple, en raison des communes de la plaine de l’Artibonite, St. Marc restera la première région de production rizicole du pays. Elle sera placée très haut dans la production maraîchère et vivrière également. Tandis que dans l’Ile de la Gonâve, la plantation forestière sera très poussée et fournira une fraction importante des revenus de la région. Pour sa part, la région de Petit-Gôave donnera pour l’essentiel dans la plantation fruitière avec un développement moindre en agriculture maraîchère et en élevage. Toutefois, les trois régions développeront une infrastructure touristique moderne pour répondre aux exigences du marché national et international. La région de St. Marc, partant de la zone de Délugé jusqu’à Source Puante sera construite comme une mégalopole. Les communes côtières aménageront des villages touristiques intégrés. À L’île de la Gonâve, il y aura également un nombre important de ces villages touristiques et l’aménagement d’un parc national pour la conservation de la faune et de la flore de L’île. La base militaire qui sera aménagée dans la région, ajoutée au parc national, seront des lieux d’attractions très prisés des visiteurs. La région de Petit-Gôave, qui partira de la Rivière-Froide jusqu’aux confins de la région de Miragoâne, aura également des villages touristiques côtiers.

Dans la mesure où des gisements miniers de carbonate de calcium et de marbre de la région pourraient être mis en exploitation dans la zone de Miragoâne, il se dégagera suffisamment de ressources pour financer la renaissance de la région. Les communes de cette région ont de vastes possibilités pour le développement agricole également. Par exemple, le climat de la région de Pierre Payen est très propice à l’épanouissement de l’agriculture maraîchère et de l’élevage laitier. Ensuite, des industries florales seront installées dans la zone. Il existe un certain nombre de sites où seront exploitées des plantes aromatiques et médicinales pour approvisionner l’industrie des parfums et de pharmacologie. En allant vers l’Ouest du coté des Baradères, une incitation sera fournie pour encourager les plantations forestières et celles du café. L’élevage et l’artisanat apporteront également des revenus importants à l’économie de la région. En fait, le désenclavement par terre de la région de Miragoâne qui sera reliée à la région de Jérémie, en passant par Baradères, revitalisera les communes isolées en raison du transport routier. Dans cette zone, un parc agro-industriel jouera un rôle important comme débouché pour les produits fruitiers, agricoles et de la mer.

Jérémie et les Cayes seront deux régions sœurs qui partageront en commun beaucoup de fonctions. La coopération entre ces deux régions fera leur force, de sorte qu’à deux elles représenteront la plus grande source d’alimentation pour le pays. Ce sera également une lourde responsabilité assignée à ces régions. Le ministère de l’équipement appuiera l’exécution de grands travaux d’infrastructure dans ces régions. Aux environs de la ville des Cayes, il sera construit un complexe de production d’eau potable et d’énergie électrique similaire à celui de Fort-Liberté. Deux autoroutes, l’une passant par Tiburon et l’autre suivant le tracé de la voie actuelle par Camp-Perrin, relieront la région des Cayes à celle de Jérémie. Cette dernière sera le siège d’une université d’Etat spécialisée dans les sciences agricoles et alimentaires. La base des revenus de cette région sera l’agriculture. Les Cayes intensifiera l’élevage et Jérémie mettra l’accent sur les vivres alimentaires. La SOGI et le CAP aideront à l’implantation de petits parcs agro-industriels dans les deux régions. L’industrie laitière et celle de la viande seront très développées grace à des dizaines de petites unités de transformation qui seront disséminées dans les communes. Les communes seront équipées aussi de petites entreprises de conserverie semi-artisanale pour la préparation du café, du cacao et la conservation des fruits et légumes. L’élevage des écrevisses sera très répandu dans les zones où il existe des cours d’eau qui descendent vers la mer. En somme, malgré l’essor que connaîtra le transport routier, ces régions resteront des centres importants de transport maritime, et la plupart des villes côtières seront équipées d’un wharf de cabotage. Finalement, dans les hauteurs du massif de la Hotte, l’Institut de Reforestation et d’Entretien de l’Environnement (IREE) maintiendra la plus grande forêt du pays.

PERSPECTIVES.-

Le pays apparaîtra plus grand quand toutes les activités et toutes les ressources du pays ne seront plus concentrées à Port-au-Prince. Dans le cas où aucun effort systématique n’est entrepris pour permettre aux provinces de renaître et faire face aux besoins de la population, deux choses sont à prévoir : La première, c’est que dans moins de dix ans presque toute la terre arable du pays s’en ira vers la mer. La seconde, la population des campagnes connaîtra une dégénérescence totale, car tout moyen de subsistance aura presque disparue. Déjà, en 1982, une étude de la FAO concluait que l’équivalent de 6.000 ha de terre arable était emporté par les eaux de pluie tous les ans. Et compte tenu de l’évolution croissante du drame, en 1992 le pays, ou ce qu’il en restera sera hideux et horrible. Certainement, une issue aussi sombre ne concorde pas à l’esprit du 7 Février. Nous misons que ceux qui croient qu’aucun sacrifice n’est trop grand pour assurer le bien être de notre communauté comprendront ce message. Nous savons qu’il y a parmi nous des hommes qui aiment charnellement ce pays. L’amour est la plus grande force du monde, rien ne pourra nous arrêter! La mission d’inventer un avenir à notre peuple appartient, au premier chef, à nous les jeunes. Car, nous devons assurer la responsabilité d’inaugurer l’ordre des choses nouvelles et donner sa chance à notre pays, puisque notre avenir en dépend. Cependant, jeunes et vieux auront à travailler ensemble. Les différentes régions du pays auront besoin d’hommes politiques animés de bonne volonté et de cadres compétents, pour mettre en route le développement. Chacun de nous aura quelque chose à offrir afin que le progrès devienne une réalité.

Beaucoup de sociétés ont modifié leur destin grace à leur détermination. Rien n’est impossible à la volonté humaine. On peut se rappeler que les chinois avaient déplacé une montagne pour faire couler un fleuve jusqu'à une plaine. De leur coté, les Suisses avaient transporté les terres d’une vallée jusqu’au faîte d’une montagne pour y planter des vignes. Et plus près de nous, les Israéliens ont irrigué le désert de sable du Néguev et y ont fait pousser des arbres. Nous ne citons que ces faits, mais il y en a plein d’autres. Car, chaque peuple, à un moment donné de son histoire, s’est trouvé dans une situation critique où il lui a fallu prouver qu’il était formé d’hommes et de femmes qui étaient dignes de l’être. Les ressources de l’être humain sont inépuisables. Dieu nous a créés semblables à lui, si nous avons la foi nous pouvons faire des miracles. Il n’y a aucune raison pour que nous autres, nous baissions les bras, déclarant forfait avant même d’avoir essayé. Une vie ne vaut rien si elle n’a pas été consacrée à quelque tache noble et sublime.

Nous devons sortir notre pays de la nuit et l’amener à la lumière des temps modernes. C’est en ce sens que le choix d’une démocratie fédérative est inéluctable. Seul un choix de ce genre peut libérer la force créative du peuple, galvaniser son énergie, lesquelles lui permettront d’inventer un avenir à ce pays. Le pays est le nôtre et nous lui appartenons. Nous devons vouloir ce qu’il peut devenir. Dans quarante ans, la population atteindra douze millions d’habitants. La reforestation du territoire sera complète, et notre faune comme notre flore seront reconstituées. Le pays jouera d’une autosuffisance énergétique et le plus reculé village sera éclairé à l’électricité. Les denrées d’exploitation seront le triple de leur volume d’aujourd’hui, et l’importation des produits alimentaires sera un lointain souvenir. Nous recevrons annuellement au moins un visiteur par habitant et notre balance des échanges sera excédentaire. Ce sera le bénéfice de la foi, de l’amour et de l’effort que nous aurons investi dans notre pays. Qu’il en soit ainsi.

Que Dieu nous bénisse !

A SUIVRE : LE PLAN D’URGENCE

VII- RESTRUCTURATION DE LA COMMUNAUTE RURALE ET URBAINE


Construisons Ensemble un État Démocratique, Moderne et Prospère

Par Paul G. Magloire
Décembre, 1986
(PAGES RETROUVÉES VII)



RESTRUCTURATION DE LA COMMUNAUTE RURALE ET URBAINE

L’histoire est morte dans la communauté rurale depuis 1804. En deux siècles la vie du paysan Haïtien n’a presque pas changé. La population rurale est très disséminée et une bonne partie de cette population habite des zones montagneuses. Les villages sont des rassemblements de quelques dizaines de cahutes à toit de chaume. Les zones les plus favorisées ont des agglomérations plus importantes où des maisons sont recouvertes de tôle ondulée. Il faut laisser les villages pour aller vers les villes communales et rencontrer un début d’urbanisation, c'est-à-dire une organisation systématique de constructions de routes, d’infrastructures et de services publics. Très peu de ces grandes localités sont équipées d’un service d’eau potable et d’électricité. En général, la majorité des maisons n’ont pas de toilettes et de lieux d’aisance. Les commodités du logement, naguère marquaient la différence entre le monde rural et la communauté urbaine. Plus maintenant, car durant ces dernières décennies, la ruralisation des villes haïtiennes, s’est étendue jusqu'à la capitale. La vague de migrants laissant les campagnes haïtiennes vers les villes s’est poursuivie à un rythme continu et le déplacement de cette population s’est faite par étapes successives. Dans une première étape, le paysan laisse la campagne pour la ville communale avoisinante, où le séjour est très court et le voyage se poursuit jusqu’à un centre urbain plus important et finit à la capitale. Le paysan qui vient du village a été précédé, dans sa migration vers la capitale, par la population des petites villes de province. Tout ce monde a été chassé du milieu rural par les conditions de vie qui se sont dégradées au fil des ans pour atteindre le seuil insupportable de la pénurie et de la misère.

Dans la communauté rurale les gens sont privés de presque tout, et le peu qu’il y a existe en quantités inadéquates. L’essentiel du revenu de la population rurale est tiré de l’agriculture. Les rendements de l’activité agricole par agriculteur sont très faibles, car l’agriculture est pratiquée de façon rudimentaire avec des instruments aratoires qui sont restés inchangés depuis l’ère coloniale. Ensuite, la croissance démographique a réduit à une petite parcelle de terre la superficie moyenne exploitée par paysan.

Il y a également un aspect marquant dans la situation du monde rural, c’est la dégradation des sols cultivables. La majorité des exploitations agricoles sont situées en des zones de montagne, et les terres des pentes ne sont pas exploitées de façon appropriée de sorte qu’elles sont ravagées par l’érosion. Les dures conditions d’existence du paysan le poussent à détruire involontairement les bases de sa survie. Pour préparer le terrain de sa parcelle à la culture, il brûle les broussailles et procède à la coupe des arbres qui sont transformés en charbon, en bois à brûler ou en planches. Les terres des montagnes ainsi malmenées ne résistent plus aux pluies tropicales. Quand il pleut, on peut voir une eau boueuse descendre des montagnes ; c’est la vie qui coule vers la mer. Par endroit, le sol apparaît ensuite comme les ossements d’un corps desséché par le soleil. Le paysan tire d’un travail dur et pénible de son jardin juste quelques sacs de grains et de vivres qui suffisent à peine à nourrir sa famille. Une partie de cette récolte, pourtant, est confiée aux enfants et aux femmes pour être vendue aux marchés des villes. Ce que le paysan gagne de la vente de cette marchandise, il le dépense pour payer l’huile de cuisine, le kérosène d’éclairage et quelques articles vestimentaires pour les membres de sa famille. Par manque de moyens, la consommation dans le monde rural est presque nulle, et le paysan n’est pas en mesure de payer les avantages qu’offrent la civilisation moderne : nourriture riche et variée, soins de santé, éducation, logement décent etc.

La vie quotidienne dans le monde rural est assujettie à tous les aléas de la misère et de la privation. Le paysan n’a pas d’épargne pour se prémunir contre les imprévus, et il ne peut également économiser pour investir dans l’amélioration de sa production. La famine est alors une situation permanente. De plus, les revenus des villes communales, qui dépendent de cette production agricole rachitique, sont tout aussi faibles. Donc, les services sont peu variés et atteignent un niveau rudimentaire. Ainsi, la population rurale ne trouve qu’une issue à sa désespérante situation : fuir ce monde d’incertitudes de sa communauté originelle, vers d’autres lieux, ou d’autres cieux.

Le dépeuplement du monde rural est un phénomène qu’a connu la majeure partie des sociétés modernes à un stade de leur développement. Mais, cela s’est passé dans des conditions différentes de la façon qu’elle est en train de se produire chez nous aujourd’hui. En principe, quand l’évolution technologique, comme la mécanisation agricole, les semences améliorées, les pesticides et les engrais, pénètre dans le monde rural, elle libère une partie des paysans des taches de la production agricole. Une partie de ces paysans démobilisée est incorporée dans les nouveaux services qui sont créés après avoir reçu une formation adéquate. Et le reste, pour échapper au chômage, se déplace vers les villes. À ce moment, les villes sont en plein essor de développement avec du travail qui est créé dans le secteur de l’industrie et des services. Les anciens agriculteurs arrivés dans les villes se reconvertissent à de nouvelles taches de production.

Chez nous, malheureusement, le déplacement des populations est du à un appauvrissement général de leur cadre initial. En plus, les paysans qui évacuent le monde rural sont en majorité analphabètes. Ils n’ont pas de métiers et d’apprentissage technique sinon qu’à des niveaux très élémentaires. Leurs rudiments de connaissance ne suffisent pas à faciliter leur intégration dans l’activité économique des villes. Et les villes de leur coté sont en plein dépérissement, de sorte que cette nouvelle vague de population doit se contenter de s’agglutiner en marge des villes dans des zones désolées et dépourvues du minimum décent de condition sanitaire et de service. C’est le phénomène de la bidonvilisation à outrance. La population marginale à Port-au-Prince par exemple, est à peu près trois fois supérieure à la population intégrée dans l’armature urbaine. Dans les bidonvilles le chômage est roi. Les gens travaillent un jour sur cinq, se nourrissent un jour sur trois, et sont logés dans des conditions précaires, se relayant pour dormir. Pour survivre, ils ont conservé des rapports constants avec le monde rural qui leur envoie, par intervalles, l’essentiel des nourritures qu’ils consomment. Par eux-mêmes, ils établissent une forme de production identique à celle des zones rurales. C’est courant de voir des jardins d’haricots, de maïs, ou d’autres cultures de jardin, dans le centre de Port-au-Prince, à proximité de quelques petites cahutes. Et, il n’est plus une surprise pour un automobiliste habitué aux routes de Port-au-Prince de devoir freiner sa voiture pour laisser une horde de cabris ou de bœufs traverser une artère principale de la capitale. Les membres marginalisés de l’expansion des villes deviennent également des petits entrepreneurs ou des artisans pour les plus habiles. Mais en grande partie, ils doivent se contenter de survivre en chômage déguisé, devenant domestique dans une maison privée, laveur de voiture, cireur de chaussures, et, pour les plus indépendants, des petits marchands de pacotille ou autres...

Ce monde à moitié rural et à moitié urbain n’a en lui-même rien d’effrayant, car par l’esprit d’entreprise qui l’anime, son goût du risque, et son niveau élevé de combativité, il porte en lui les germes de l’avenir. Encadrés, entraînés, orientés il pourrait sortir de son état actuel et apporter une contribution appréciable à l’essor de la communauté et au développement des villes. Toutefois, pour eux, c’est fini la campagne. Car leur situation, comme nous en admirons le spectacle aux abords des villes, est déjà supérieure à celle qu’ils confrontaient antérieurement. Donc, chercher à les convaincre des vertus de la vie campagnarde, c’est tout bonnement leur demander de retourner à une lourde, pénible et ingrate tache de produire pour toute une société qui les a toujours méprisés. Cela ne les intéresse guère, et cela va de soi. Si, aujourd’hui, on s’intéresse réellement et sincèrement à eux, il faut regarder dans un autre sens, à les intégrer. Pour relancer la production nationale tout le monde doit apporter du sien. Nous devons comprendre que la production agricole uniquement, et le monde rural seul, sont incapables de porter la charge du développement national. Le dit que : « la politique agricole soit la seule, la vraie » est un vieux mythe du passé, une vielle défroque usée à mettre au placard. Cependant, il faut croire profondément que le changement est possible. Ce pays était naguère une place où il faisait bon vivre. Il peut le redevenir. Mais il a certainement besoin pour cela de la bonne foi, de l’amour, de la solidarité et du courage de chacun de nous, sans monopole ni exclusivité.

UNE NOUVELLE TRANCHE D’HISTOIRE

Le « Programme Bon Départ » est prévu pour relancer la vie économique dans les provinces et par voie de conséquence entamer la Renaissance Nationale à la base même du pays. Tout va commencer dans les sections rurales. Une provision budgétaire de CENT MILLE DOLLARS ($100.000) sera allouée à chaque section communale. Ces fonds seront affectés à la création d’un centre communautaire de village, et d’une unité de production d’après les potentialités de chaque zone. Le bâtiment qui devra loger le centre communautaire sera construit suffisamment spacieux pour recevoir d’autres services publics, tels que le bureau de la Fédération des Coopératives, celui de la Société Générale de Services (SOGESE), et une salle d’audience à usages multiples. La municipalité construira un autre bâtiment pour loger le bureau du contrôleur général, celui de la justice, du service de l’impôt et taxe, le bureau de l’aménagement et du domaine, et celui de l’officier d’état civil.

La SOGESE apportera de nombreux services aux gens du village. Sur une base locative, elle pourra utiliser la salle d’audience pour des séances de projection sur vidéo ou sur écran, dans le cadre de ses cours de formation permanente dispensés à des membres du village. C’est l’agent de la SOGESE qui obtiendra de l’Etat Fédéral le contrat du service des postes et télégrammes. À cette fin, il pourra employer des commis qu’il dépêchera quotidiennement au bureau central de la commune. L’une des contributions importantes de l’agent de la SOGESE, est qu’il recevra une formation qui lui permettra de formuler et de préparer les projets pour les membres du village et pour les coopératives également quand il y a lieu.

L’essentiel de l’action d’une autre agence de la fédération le CAP, se canalisera au village vers les coopératives et les petites unités de production artisanale. Il prendra à sa charge les coûts de préparation des projets qui lui seront présentés pour financement. Le financement du CAP à ces entreprises sera à long terme et à des taux modérés également. Le CAP se réservera d’apporter aux micro-entreprises villageoises, par l’entremise de la SOGESE, toute sorte d’appui qu’elle jugera nécessaire à leur réussite. En général, ce sera l’entraînement et la formation des cadres.

Le bureau de la fédération des coopératives sera l’entité de liaison entre les coopératives du village et celles d’instances supérieures placées dans les communes dans les capitales régionales, et au plus haut niveau dans la capitale fédérale. Le bureau du village offrira un encadrement technique et administratif aux coopérants de la localité. Les coopératives pourront s’orienter vers toutes sortes d’activités de production, de transformation et de service : agriculture, élevage, transformation artisanale, caisse populaire, commerce, transport, éducation, médecine, logement etc. Les coopératives seront prioritaires pour la vie économique du village. En Exemple, la coopérative d’achat et de vente permettra un contrôle sur le cout de la vie en modérant l’évolution des prix des produits de base de première nécessité. Tous les matins, le bureau régional de la fédération des coopératives fournira à la coopérative locale le prix de base des produits pour la journée. Ces prix seront établis en fonction de certaines données sur les cours de la veille, des stocks disponibles dans la région, et des indices de variation fournis par la direction du niveau de vie. Ce qui permettra à ces coopératives de passer leur commande et de procéder à des ventes sur le marché ou avec le Bureau National des Etats d’Urgence (BNEU).

A la longue, avec l’appui du CAP et de la SOGESE un nombre important de micro-entreprises individuelles, familiales et de coopératives apparaîtront au village. Les villageois seront incités à préparer et à empaqueter le riz, le maïs, les haricots. Ils seront encouragés à transformer les produits d’origines agricoles tels que la canne en sirop, clairin et d’autres breuvages alcoolisés mélangés à des essences locales. Les activités de confiserie auront à se répandre dans les régions où on trouvera les produits de base pour la préparation du mamba, de la gelée, des compotes de fruits, de la confiture, des caramels au chocolat, du miel, des tablettes de sucre à base de fruit, de la pâte de goyave, du confit de piment, du gruau en bocal, de la cassave et des produits à base de manioc ou d’amidon. Le lait sera transformé en fromage et en beurre, de la viande sera charcutée en salaisons et en saucissons. Il y aura des coopératives de tissage, de broderie, de peinture, de vannerie, de sculpture sur marbre et sur métal ; des ateliers de travail du cuivre où l’on fabriquera des articles décoratifs et des bijoux de fantaisie ; des ateliers de menuiserie, de papier mâché et même des ateliers de fabrication de fanaux de Noël en pièces détachées pour l’exportation. Un soin particulier sera donné au développement des petites entreprises de plantes aromatiques et de plantes médicinales.

En somme, la renaissance du village sera une récompense de la démocratisation des institutions politiques et administratives et de la libération de l’énergie créatrice du peuple. Ce peuple qui a été si longtemps opprimé à une capacité d’expression et d’imagination qui est une force. Les activités sportives, le jeu et la fête populaire prendront une place importante dans la vie du village. L’art, placé dans le quotidien de la vie rurale, révélera ce qu’il y a de plus intime dans l’âme de notre peuple et créera une apothéose d’images et de beauté.

Il partira des villages un théâtre populaire puisant son inspiration des contes et des vieux mythes. Ce théâtre sera joué et diffusé dans nos écoles et dans les centres de recréation populaire, à la radio et à la télévision et utilisera tous les moyens modernes à notre disposition. Ce sera de l’art vivant. La Direction des Affaires Culturelles avec l’aide de la Fédération Nationale des Artistes Haïtiens et celle des Galeries d’Art, organisera dans les villages des centres populaires de création artistique. Cette démarche, par certains aspects, rappellera celle de Saint Soleil à Soisson – la montagne. Les artistes des villages auront ainsi l’occasion d’exprimer leurs rêves, leurs aspirations et leurs espoirs selon la totalité de leur vision du monde. « C’est par la culture qu’on peut arriver à changer la nature des choses, les hommes et les sociétés ». Tiga

Chaque section communale sera aménagée selon sa spécificité géographique et l’orientation de sa production. Mais, le principe d’intégration dans l’espace général de la commune sera observé. En général, le plan d’aménagement communal définira cinq zones types dans l’aire de la section. Il y aura des zones de jardins, celles de production vivrières et forestières, ensuite celle de cultures intensives ; des zones de pâturage réservées à l’élevage, et enfin celle des résidences.

La valeur minimale des terres par zone sera déterminée à l’assemblée communale pour chaque zone, sur les propositions de la direction de l’aménagement. Mais le taux de l’impôt foncier sera uniformisé sur tout le territoire national au prorata de la valeur foncière. Le non-paiement de l’impôt foncier, sur une période qui sera déterminée par la loi, entraînera la séquestration de cette propriété par les services concernés. Et celui-ci vendra à l’encan ladite propriété, se paiera d’office et laissera le surplus disponible aux ayants droits à la direction générale des impôts et taxes. Afin de prévenir toutes tendances à la spéculation foncière, la plus-value sur la vente foncière sera soumise à une taxation. Celle-ci sera établie d’après un barème progressif pouvant atteindre des taux de 75%. Les terres de l’Etat seront recensées et affermées à des particuliers à un taux supérieur à leur valeur imposable. Le fermier de l’Etat pourra après 5 années ou 60 mois d’occupation paisible et sans litige d’une terre, exercer une option d’achat. La requête sera soumise à la DIGIT qui la fera parvenir à la chambre fédérale. Les cessions de terre par la chambre fédérale à des particuliers ne pourront se faire qu’en périodes de sessions ordinaires. Dans le dessein de faciliter ce train de mesures, les lois sur la fonction publique redéfiniront la fonction du notaire et de l’arpenteur dans le sens d’une simplification de procédures et de la normalisation des coûts sur les ventes et les successions, puisqu’un Etat moderne ne pourra s’accommoder de la lenteur administrative imposée par les lois antérieures.
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Dans le cadre du renforcement de la politique agraire fédérale, certaines communes pourront adopter des mesures pour inciter les propriétaires à uniformiser l’espace des plantations. Il faut préciser que l’agriculture pourra être réservée uniquement à l’exploitation directe et le métayage comme la gérance ne seront pas reconnus par la loi communale. Il pourra y avoir également des restrictions en matière de superficies tenues par des propriétaires. Par exemple, la loi pourra interdire à tout exploitant de posséder à titre individuel un patrimoine foncier d’un tenant supérieur à 25 hectares. Dans ce même ordre d’idée, la loi prescrira que toute superficie supérieure à 25 hectares, dépendant de la région, devra appartenir à des propriétaires réunis en coopératives ou organisés en société de production. Ces types d’institutions seront astreints aux mêmes lois et privilèges que les institutions identiques. Dans d’autres cas, ces mesures pourront être uniquement incitatives. Pour les mesures de ce genre, le CAP pourra être utilisé par les services communaux. Il interviendra pour canaliser un financement vers des exploitations agricoles de superficie placée entre 5 à 25 hectares, s’il s’agit de réduire le morcellement ou de faciliter la pénétration d’une technologie agricole plus avancée.

En résumé, la politique agraire fédérale sera générale et prudente. Quitte aux gouvernements locaux de prendre les dispositions spécifiques appropriées à chaque localité. Car, toute erreur sera lourde de conséquences et entraînera des dommages irréparables dans un monde rural déjà très affaibli par une politique de centralisation absurde.

La restructuration de la communauté rurale ne consacrera pas la disparition de l’agriculture de subsistance. Le jardin est un concept économique et politique très important dans la communauté rurale. Il assure à la famille paysanne l’approvisionnement quotidien. Et à l’avenir, cette économie de subsistance pourra protéger le monde rural contre l’agression de l’économie d’échange qui pourrait drainer les ressources monétaires des villages vers les villes. On a toujours vu que le déclin de l’économie de subsistance et la montée des monocultures correspondent à une augmentation accélérée des prix des produits vivriers et alimentaires et à une faible évolution du pouvoir d’achat de la majorité des membres de la communauté rurale. Le but du centre communautaire sera de renforcer les structures de la production de subsistance des villageois. Le centre sera un lieu de rencontre où les paysans pourront échanger leurs expériences, parler de leurs difficultés et de leur performance. Les paysans trouveront au centre également une gamme de petit matériel agricole plus approprié aux travaux des champs. Le centre apprendra aux paysans l’utilisation de ces instruments et les leur louera à des prix très abordables. Ensuite, le paysan pourra louer du centre des éléments de cheptel tels que cabris, cochons, volailles de rapports améliorés pour augmenter le rendement de son propre élevage. Enfin, le centre fournira aux éleveurs du village le service sanitaire, et les services d’insémination artificielle pour améliorer le cheptel local.

L’unité de production qui sera créé dans le cadre du programme de dotation, visera principalement, à combler le déficit calorifique et protéique qui affecte la population rurale. Elle apportera un complément en protéines animales à bon marché à la ration quotidienne des familles villageoises. Le choix des unités de production portera sur l’élevage des poissons, des bovins, des ovins et des volailles. Les produits venant de cette unité seront vendus aux gens du village et des environs et les bénéfices serviront à assurer un repas chaud aux enfants des écoles des trois premiers cycles fonctionnant dans les villages.

Si le village sera l’unité de base de la communauté rurale, la ville communale sera l’unité coordonnatrice des activités de cette communauté. En fait, la commune servira d’élément de transition entre la campagne et les grands centres urbains. Elle sera la base pour les services administratifs tournés vers la communauté rurale. Dans la commune on trouvera les grands marchés et les grands magasins, les banques, les assurances, les services de télécommunications, d’électricité, de distribution d’eau potable. Des agences fédérales et régionales s’installeront dans la commune. Avec l’aide du CAP et de la SOGI chaque ville communale sera le siège d’au moins une entreprise à haute utilisation de main d’œuvre. Ainsi des ouvriers pourront laisser le village pour venir travailler dans la ville au cours de la journée. La SOGI financera également des écoles et des centres hospitaliers qui desserviront les membres de la ville comme ceux des villages. Le CAP, de son coté, financera les petites entreprises mobiles de service agricole, lesquelles trouveront un marché important constitué par les centres communautaires, les coopératives et les petites exploitations familiales des villages.

Le gouvernement communal pourra solliciter des emprunts de la fédération ou du gouvernement régional pour améliorer les voies de pénétration jusqu’aux villages. En effet, il y a des routes intérieures qui ont des conditions carrossables si médiocres que les piétons vont plus vite que les véhicules en les parcourant. Il y a des zones qui sont encore isolées faute de voies de communication. Ce seront des taches prioritaires pour les organismes compétents. Il y a également la possibilité pour les gouvernements locaux d’utiliser les organisations communautaires à l’exécution de ces travaux, sur une base de financement partiel. De toute façon, quand la production d’une localité augmentera sensiblement, il sera plus facile pour celle-ci de créer et surtout d’entretenir des voies de circulation adéquate.

L’un des grands besoins des villes communales c’est la création d’édifices pour loger les services publics. Une partie des fonds du programme de dotation sera affectée à cette fin. L’autre partie servira à la réparation des routes, aux travaux d’embellissement de la ville, et à la construction de bains publics et de lieux d’aisance dans les zones de concentration, tels que gare, marché etc. La direction de l’aménagement fournira à la commune l’assistance technique nécessaire pour le réaménagement et l’extension de la ville. L’édifice qui devra loger la mairie sera construit sur la place centrale de la ville, et il sera équipé des facilités adéquates à la fonction du maire et de son cabinet d’assesseurs. D’autres aides seront fournies à la commune par la direction de la construction pour améliorer les conditions de logements et l’apparence esthétique des maisons de la ville. De même, la SOGI financera dans chaque commune un hôtel municipal qui pourra offrir aux touristes locaux un service à des prix modérés. Le budget fédéral affecté au développement aura parmi ses priorités, la création de zones de forêt et de plantations d’arbres fruitiers par l’intermédiaire de l’IREE. Quand cela sera possible, il y aura sous les arbres l’extension des plantations de café, de cacao et de l’élevage de rapport.

L’agriculture, la construction et le tourisme seront les activités qui auront l’impact le plus rapide sur la relance de l’économie du pays, en augmentant le nombre des emplois et l’importance des revenus par famille.

A SUIVRE : CENT QUATRE VINGT TROIS ANS APRÈS

VI- DU MINISTÈRE DES RELATIONS EXTERIEURES


Construisons Ensemble un État Démocratique, Moderne et Prospère

Par Paul G. Magloire
Décembre, 1986
(PAGES RETROUVÉES VI)



DU MINISTÈRE DES RELATIONS EXTERIEURES

Le Ministère des Relations Extérieures et Religieuses aura un rôle plus important que par le passé. Il aura sous sa tutelle la Direction de l’Emigration et de l’Immigration, les Maisons Haïtiennes qui seront établies dans la diaspora, la Direction de la Coopération, celle du Tourisme et le Service de Supervision des organismes non-gouvernementaux (ONG).

Nous entrons dans une ère où il sera de notre intérêt d’avoir une politique extérieure transparente. Les rapports sont en général de deux types : ceux qui lient les alliés, et ceux qui divisent les adversaires. Les critères de sélection des alliés et des adversaires tiennent compte des réalités internes et matérielles d’un pays. Pour nous, la participation à notre politique de développement servira à mesurer notre relation avec un pays étranger. D’ailleurs, ces dernières décennies nous ont amplement enseigné que l’alliance la plus profitable au pays est l’alliance d’Haïti avec les Haïtiens. Pour réussir notre projet de société nous devons compter d’abord sur nous mêmes.

La création de Maisons Haïtiennes dans des villes de pays étrangers, à forte concentration d’Haïtiens, sera dans la ligne de la politique de solidarité nationale. Les Haïtiens qui vivent dans la diaspora sont isolés de la vie nationale et tenus, par ignorance ou mauvaise foi, à l’écart des affaires du pays. Pourtant, cette partie de la population participe à la vie économique de la nation en envoyant de l’argent à des membres de leur famille et à des alliés restés dans le pays. Aussi, dans la mesure où les lois des pays d’accueil le permettront, les Maisons Haïtiennes à l’étranger serviront à offrir aux ressortissants Haïtiens de la diaspora un renforcement des liens avec la terre natale. Chaque maison sera dirigée par un gouverneur élu par les citoyens. Le gouverneur occupera la fonction de Consul Général. Il aura pour tache d’offrir à la communauté, en dehors des services consulaires traditionnels, beaucoup d’autres, tels que des services juridiques, financiers, bancaires etc.… De toute façon, le gouverneur aura un cabinet animé par des membres de la diaspora pour l’assister dans ses fonctions. Son mandat sera de quatre ans, comme pour les autres gouverneurs du pays. La Maison Haïtienne logera un centre culturel, un comptoir d’affaires et un bureau de l’Institut Fédéral des Elections (IFE). Le mécanisme de vote à la chambre législative a été étudié de façon à permettre à la diaspora d'élire ses députés à la chambre fédérale. Les députés, on se le rappelle, ne seront pas élus en fonction de délimitation géographique mais sur un critère démographique. En fait, la représentativité de la diaspora à la chambre fédérale, dans une figure parfaite, sera proportionnelle au nombre total de votants. Ce sera alors la véritable démocratie.

Le pouvoir consulaire conféré au gouverneur d’une Maison Haïtienne, sera un moyen de modifier notre politique en matière d’émigration et d’immigration. La vieille politique consistait à offrir toutes les facilités d’accueil à des étrangers dont les pays d’origine repoussent nos concitoyens. Ces pays devront choisir, ou bien d’offrir de meilleures conditions à nos frères, ou bien ils nous verront redéfinir nos relations avec eux. Le sort d’aucun Haïtien vivant à l’extérieur ne devra désormais nous laisser indifférent. L’Haïtien est maltraité partout, en grande partie, parce qu’il n’est pas dignement représenté dans le pays où il émigre et qu’il n’est pas mieux traité dans son propre pays d’ailleurs. Un programme « Bon Retour » sera étudié pour faciliter le retour et l'établissement à travers les différentes régions du pays, des citoyens qui avaient émigrés pour des raisons politiques ou économiques et qui jugeraient qu’il est venu le temps de regagner la terre natale. De même une vaste campagne publicitaire visera à intéresser les Haïtiens, qui ne souhaitent pas revenir définitivement, à visiter périodiquement leur pays pour leurs vacances. Il y aura à cet effet un système d’accueil approprié. Des hôtels et des sites touristiques, par exemple, seront financés dans les villes de provinces afin qu’ils offrent un service à des prix modérés à cette clientèle. Cette structure servira aussi au tourisme intérieur, car il faut remarquer que si l’Haïtien ne connaît pas son pays, c’est qu’une telle démarche est toujours une entreprise inconfortable et risquée, due à une absence d’infrastructures prévues à cet effet. Compte tenu de l’apprentissage qui se fera en offrant un service d’accueil à la population Haïtienne, les structures touristiques se développeront plus facilement afin d’offrir aux touristes étrangers un bon service à bon prix. Pour répondre au marché international, il sera même envisagé la création de deux mégalopoles avec des infrastructures touristiques très modernes. La création des Maisons Haïtiennes à l’étranger, l’intensification de la production artisanale dans les villages, l’institutionnalisation de foires dans les capitales régionales et surtout le maintien de la propreté du pays, seront tous des facteurs importants pour attirer et développer le tourisme local et étranger.

Le pays a relativement un nombre élevé de représentations diplomatiques à l’étranger. Mais la qualité de ces représentations est déplorable. Beaucoup de nos ambassades sont mal logées et fonctionnent avec un personnel peu qualifié qui fournit un rendement presque nul. D’ailleurs que pourrait-on exiger de personnes qui sont arrivées à des postes au hasard des circonstances et qui ne sont pas payées en fonction de leur qualification, mais en rapport à des critères obscurs même pour le ministère de tutelle. La première chaîne de mesure sera de réduire le nombre des représentations à l’extérieur et d’augmenter le personnel de celles qui restent. La tache de chaque membre d’une ambassade devra être définie spécifiquement et les nominations se feront sur une base de compétence uniquement. Certains postes, comme celui des Affaires Economiques et de Coopération avec les pays étrangers, devront requérir une véritable spécialisation diplomatique.

DU MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES

Une grande détermination et une bonne organisation politique seront importantes, mais insuffisantes pour assurer le décollage du pays. Le facteur financier revêtira une importance capitale. Il y a lieu de préconiser une politique concrète et transparente pour financer la Renaissance de la Nation Haïtienne.

1- Il sera étudié d’obtenir des financements à long terme, pour les investissements importants, des pays dont nous achèterons les équipements. C’est une pratique courante dans la mesure où les investissements sont choisis à partir de critères de nécessité, de rentabilité et de gestion. Ce sera le cas pour les projets d’extension du service de l’électricité, du téléphone et de la distribution de l’eau potable.

2- Les recettes fiscales devront couvrir la totalité des dépenses de fonctionnement de l’administration publique et les profits de la Banque Fédérale serviront à financer des investissements de l’Etat. En somme, l’Etat maintiendra une transparence et un assainissement de ses comptes de façon rigide et permanente pour assurer la crédibilité de sa gestion.

A noter que si d’ores et déjà, dans le cas du budget en cours, on éliminait les voitures de luxe dans les services publics, on réduirait les dépenses en énergie consommée, diminuerait les plus hauts salaires et améliorerait le temps d’exécution des taches, l’Etat pourrait épargner des dizaines de millions de dollars.

3- Une bonne gestion de l’Etat et l’absence de dépenses de prestige renforcera la crédibilité financière du pays et permettra de lancer sur le marché financier des bons et des obligations à moyens et longs termes pour financer des programmes de logement, d’hôtellerie, et de voies de communications. Des dispositions légales seront adoptées afin de permettre à des institutions du secteur privé qui ont des disponibilités monétaires, de participer au marché de financement.

4- L’instabilité politique, l’ingérence du gouvernement dans les secteurs sensibles ont provoqué l’évasion de l’épargne nationale à la recherche de sécurité, le maintien à l’extérieur des fonds de la diaspora, et éloigné l’investissement privé venant de l'étranger. Pour attirer et retenir des fonds, les lois fédérales prescriront l’inviolabilité du secret bancaire ; et il y aura l’établissement d’une assurance qui couvrira les comptes d’épargne et les dépôts à terme pour une limite donnée.

5- L’aide bilatérale et des instances financières internationales seront recherchées et acceptées en fonction des objectifs propres du pays.

Le Ministère des Finances s’occupera de la politique financière tandis que la Banque Fédérale aura la responsabilité de la politique monétaire. Les recettes de l’Etat reposeront en grande partie sur les impôts directs, les redevances et les bénéfices réalisés sur les investissements. La taxation se fera à trois niveaux, le fédéral, le régional et le local ; mais un organisme unique, la Direction Générale de Impôts et Taxes (DIGIT), aura la tache de percevoir les recettes. Toutes les couches de la population seront assujetties à l’impôt sur le revenu. Les lois fédérales prévoiront la possibilité pour les régions et les communes de bénéficier de crédits budgétaires par émissions de bons et d’obligations.

Chaque année, sur la base de rapports présentés par l’Institut National de Vérification des Comptes (INVECO), la chambre fédérale examinera les plafonds des crédits sollicités par les régions et donnera à la Banque Fédérale l’autorisation légale de débloquer les crédits. L’INVECO sera l’instance compétente pour toute la fédération en matière de contrôle et de vérification des comptes publics. L’Office National du Budget aura lui même le rôle de préparer les budgets publics. Il présentera à la chambre fédérale, au début de chaque exercice fiscal, un budget national consolidé, formé des budgets communaux, régionaux et fédéral.

Le budget fédéral aura trois segments : Le budget de fonctionnement, celui du développement et un budget de dotation. Le budget de fonctionnement sera distribué en proportion au nombre d’habitants par région. Cela aura pour effet d’encourager les gouvernements régionaux à accueillir les populations venant d’autres régions et de la diaspora, et aussi les inciter en ce sens à offrir des avantages concurrentiels à leurs résidents. Le budget de développement sera reparti entre les régions, en fonction de l’échelle de priorité du gouvernement fédéral. Ce qui laisse prévoir que les plus importants postes de ce budget seront ceux affectés à l’irrigation, à l’énergie, à la reforestation et au développement de la production et de l’équipement. Le dernier composant du budget fédéral, celui de la dotation, est envisagé dans des buts spécifiques. Il sera créé afin de réparer les torts qu’ont subis les provinces au profit de Port-au-Prince. Il sera affecté au financement du «Programme Bon Départ » pour un montant de DEUX CENTS MILLIONS DE DOLLARS (200.000.000$) au moins sur une période de cinq ans. Le schème de répartition générale sera le suivant : SIX MILLIONS iront à chaque région pour l’aménagement de sa capitale, TROIS CENT MILLE à chaque commune pour la construction d’infrastructures et d’édifices publics, et finalement CENT VINGT MILLE DOLLARS à chaque section communale pour la construction d’un centre communautaire et d’une petite unité de production. De leur coté, des zones suburbaines de la région de Port-au-Prince qui ont été dénommées section rurale par l’ancienne coupure géographique, utiliseront les fonds de dotation à l’asphaltage ou au pavage des rues et à l’aménagement de places publiques.

DU MINISTÈRE DE LA PRÉSIDENCE
Maintenant, on peut se demander si le pays a la potentialité administrative nécessaire à la gestion de ce projet de développement. En fait, l’un des plus grands problèmes des pays en voie de développement est la pauvreté des ressources humaines. Il faut près de vingt ans aux institutions scolaires pour produire un cadre, et le coût est toujours très élevé. Heureusement, notre pays est perché à un haut niveau en ce qui attrait à l’existence de telles ressources, mais elles ont été jusqu’à présent mal utilisées. Avec l’ancien régime, une corruption généralisée et une mauvaise foi des cadres non-corrompus ont tenu l’administration publique à un niveau d’efficience presque nul. Par exemple on eut à voir des techniciens qualifiés, qui avaient fourni la preuve de leur grande compétence dans des pays d’outre-mer, revenus chez eux pour se convertir très rapidement en vulgaires prévaricateurs, seulement comparables aux flibustiers de l’ère coloniale.

Il est nécessaire d’entraîner une réforme fonctionnelle de l’administration de toute urgence. Cependant, cette réforme ne visera pas à détruire des ressources coûteuses et importantes. Il s’agira de les rendre opérantes, fonctionnelles dans un nouveau cadre d’opération défini par d’autres échelles de valeur, et d’après de nouveaux objectifs. L’un des moyens de cette réforme sera l’instauration d’un système de vérification à double ou plusieurs volets, dans le but de freiner la tendance au coulage ou à la prévarication. Nous ne devons pas admettre l’idée négative que nos cadres sont incapables ou irrécupérables. Nous considérons qu’il se trouve que certains cadres fournissent de mauvais résultats dans leur travail du fait qu’ils fonctionnent dans le désordre et dans un système qui n’exige pas de responsabilité par rapport à leur fonction. Il va en être tout autrement et un code de la Gestion Publique est appelé à fixer les principes et les modalités. Ensuite, il sera du devoir des prochains gouvernements de mettre chaque employé à la bonne place afin qu’il puisse servir véritablement et s’épanouir. De toute façon, il faudra dans le processus de la normalisation de l’administration publique procéder à des tests de qualification par poste. Ceux qui auront obtenus un coefficient positif seront maintenus à leur fonction. Les autres seront orientés vers des centres de formation ou d’entraînement aux frais de l’Etat. S’il y en a qui ont encore des résultats de tests trop bas, après le temps de formation, ils seront transférés à des postes de qualification moindre. Enfin, la mise à pied sera une décision ultime qui expliquera que toutes les chances de récupération ont été épuisées.

Il existera un nombre important de cadres à revenir au pays. L’étude de leur curriculum commencera depuis leur lieu de résidence à l’extérieur, dans le cadre d’un « programme Bon Retour » qui sera réalisé par la Direction de la Reforme Administrative. Les cadres vivant à l’extérieur seront contactés ou auront à prendre l’initiative de s’inscrire dans le consulat le plus proche de leur résidence. Ils recevront des propositions de travail au pays en fonction de leur expérience et de leur qualification. Le code de l’administration publique que publiera la Direction de la Réforme Administrative (DRA) sera un outil d’orientation et d’information important pour les cadres. Il apportera des précisions en matière de normes et standards de qualification exigés dans l’administration fédérale, régionale et locale. Et une brochure publiée par la Direction de l’Information fournira périodiquement des renseignements sur les postes vacants et les appels d’offres d’emplois dans le secteur public et privé. Cette brochure mentionnera, également, les indices du coût de vie par région et un profil général de la situation économique et sociale du pays.

La sécurité de l’emploi est un facteur important pour garantir l’éthique professionnelle au sein de l’administration. Il y aura un divorce radical avec deux attitudes négatives. Premièrement, il y a celle qui consiste, pour chaque nouveau ministre, de procéder à un remaniement de son administration en faveur de son équipe à lui, et au détriment de cadres qui avaient payé à l’administration leur tribut de travail assidu et honnête. Deuxièmement, le cas des fonctionnaires qui, une fois leur temps de service accompli, sont rejetés dans la gêne comme du papier usé. Le code de l’administration interdira les changements non justifiés, ensuite recommandera que les pensions des anciens fonctionnaires soient annuellement indexées aux salaires courants. La tendance au vol et à la corruption dans l’administration est fortement liée à la précarité de la vie de la retraite. Nous devons reconnaître qu’un fonctionnaire honnête ne peut compter ni sur une épargne personnelle, ni sur sa pension pour mener une vie de retraite décente. On prendra en exemple un ingénieur des travaux publics qui a fini sa carrière, il y a quinze ans, avec un salaire de QUATRE CENTS DOLLARS ($400.00), et vit aujourd’hui dans la gêne avec une pension de DEUX CENTS DOLLARS ($200.00). Tandis que les titulaires du même poste gagnent aujourd’hui plus du triple de ce salaire. Il faut se rendre à l’évidence que l’honnêteté n’a pas été encouragée. Il faudra arriver à indexer le salaire des fonctionnaires sur l’évolution du niveau de vie et corriger la distribution irrationnelle des frais corrupteurs.

Bien entendu, une fois des mesures de remise en ordre adoptées, la corruption, le laxisme et le parasitisme doivent être rigoureusement réprimés par les services de supervision de la Direction de la Reforme Administrative.

Le Ministère de la Présidence fera la coordination entre les différents ministères et organismes de l’administration publique. Il aura également sous sa tutelle la Direction de l’Information, la Direction de la Documentation, et la Direction de l’Ordonnancement Général (DORGE). En fait, la DORGE aura le rôle étendu de synchroniser l’évolution de toutes les activités en tenant un tableau de bord national bâti sur un modèle de plan par objectif. Et elle s’occupera de la coordination régionale.

Il y aura un grand changement dans le concept de la gestion de l’information par l’Etat. Traditionnellement, les gouvernements se situaient au centre de la propagande de l’Etat. Le choix sera de centrer les informations et la propagande sur le peuple Haïtien, le pays, et nos produits. D’ailleurs, ils sont les seuls dignes d’être montrés pour refaire l’image de la nation Haïtienne. Des mesures seront adoptées pour réduire le goût de nos gouvernements pour le culte de la personnalité. C’est dans le cadre de ces mesures que le Palais National deviendra tout bonnement le Palais du Gouvernement et servira à abriter les départements ministériels éparpillés dans le pays. Nos futurs « chers présidents » devront désormais se contenter d'une simple résidence, bien sur, payée par l’Etat. Il ne s’agira plus de cautionner cette immoralité de loger le chef de l’Etat dans un palais, quand 75% de la population vit dans des cahutes à toit de chaume.

A SUIVRE : RESTRUCTURATION DE LA COMMUNAUTE RURALE ET URBAINE


V- LE MINISTÈRE DE LA PRODUCTION


Construisons Ensemble un État Démocratique, Moderne et Prospère

Par Paul G. Magloire
Décembre, 1986
(PAGES RETROUVÉES V)



LE MINISTÈRE DE LA PRODUCTION

Les quarante prochaines années seront consacrées à la production. La production traditionnelle est tombée à un niveau très bas. Et jusqu’à présent, la majorité des biens nécessaires à la collectivité nous viennent de l’étranger. Il y a là un défi que nous devons relever.

Le Ministère de la Production embrassera la Direction de l’Agriculture, de l’Elevage, de la Pêche, de l’Industrie, des Mines, de l’Artisanat, et du Centre d’Appui à la Production (CAP). Ce ministère sera le grand catalyseur pour activer le développement de la production nationale. Cependant, la tache sera ardue, parce que les élites économiques Haïtiennes sont formées d’une proportion plus importante d’hommes d’affaires que d’entrepreneurs. Si les entrepreneurs sont intéressés à fabriquer des marchandises, les hommes d’affaires eux-mêmes ne s’intéressent pas à fabriquer des objets, mais à faire de l’argent. Le risque de la production effraie cette classe à part d’individus. L’approche du ministère sera principalement d’optimiser les investissements dans la production, dans le but d’inciter le déplacement des investissements du secteur d’affaires vers le secteur de production. À cet effet le CAP sera créé comme l’institution que l’entrepreneur trouvera derrière lui au moment des difficultés.

Le CAP ne sera pas une institution classique avec une rigidité cadavérique, qui propose des solutions toutes faites. Elle aura une structure suffisamment souple et agile pour secourir l’entrepreneur dans les situations les plus imprévisibles et étudier, de concert avec lui ou elle, les moyens à mettre en œuvre pour sortir d’un mauvais pas. L’action du CAP sera discrète et confidentielle; et elle travaillera avec un entrepreneur à l’insu du ou des institutions financières ou de toute autre administration ayant à voir avec les affaires de l’entrepreneur. Les brigades du CAP seront entraînées dans des domaines variés, allant de la planification d’entreprise à l’expertise comptable. Leurs grandes spécialisations seront la stratégie de pénétration de marché et la recherche de financement. Si l’esprit d’investissement anime la classe économique, l’initiative privée s’étendra à la population et le nombre d’entrepreneurs ira en se multipliant. Le CAP aura pour mission d’accompagner l’entrepreneur et elle fera son possible afin que cette mission se manifeste dans la réalité.

La potentialité minière du pays est faible et insuffisante pour porter la charge de financement de nos besoins en équipement et payer le coût du support que l’Etat fournira au secteur privé. Mais, notre sous-sol n’est pas entièrement vide. Certaines ressources minières comme le marbre, le sable calcaire, et l’or sont suffisamment importantes pour être orientées vers l’exportation. Elles seront des sources de devises et de recettes budgétaires pour l’Etat. Dans ce même objectif, l’or, le cuivre et le marbre transformés par l’artisanat local pourront trouver un débouché intéressant sur le marché touristique local qui se développera.

Pour l’essentiel, la production nationale sera tournée vers le marché domestique. Certainement le pays continuera à exporter les denrées traditionnelles et à en augmenter la quantité. Certainement nous aurons à prendre avantage de l’opportunité de l’industrie de la sous-traitance. Car, il faudra rapidement fournir du travail à près de deux millions de chômeurs ou de chômeurs déguisés des zones rurales et urbaines. Néanmoins, ce sera à l’industrie nationale de bénéficier de l’avantage de la croissance du pouvoir d’achat sur le marché local. Il ne sera pas question d’adopter une politique de portes ouvertes aux produits étrangers. Les portes seront entrebâillées. On peut se demander pourquoi cela ? La réponse est simple.

Il y a une longue liste de pays qui avaient adhéré à la politique de développement basée sur la théorie des avantages comparatifs. En termes clairs, cette théorie avait prescrit aux pays sous-développés de se spécialiser dans la production des biens qu’ils pouvaient fabriquer à moindre coût et d’importer des pays développés, à des coûts moindres, les autres biens dont ils avaient besoin. Le résultat de l’adoption de cette théorie a été pour les pays sous-développés une figure grimaçante qui traduit qu’ils ont été l’objet d’une farce cynique de la part de ceux qui avaient inventé cette théorie dans leur propre intérêt. Les statistiques de la Banque Internationale de Développement (BID) sont très claires là-dessus. Entre 1980 et 1985 le volume des importations de l’Amérique Latine avait augmenté de 7,2% par an. Parallèlement, la valeur des exportations des pays de cette région est tombée de 6,6% à 4,6% par an dans l’intervalle de 1981 à 1985. Donc, cette théorie des avantages comparatifs ne profite qu’aux pays industrialisés qui achètent les produits agricoles des pays sous-développés et les leur retournent dans les boites en fer-blanc et sous du papier plastic, en réalisant des marges de bénéfices substantiels. Car ce qu’on peut voir, c’est que les prix des produits des pays sous-développés baissent, tandis que ceux des pays industriels montent. En somme, il faut en conclure que la théorie des avantages comparatifs est une morgue des pays riches pour maintenir les pays pauvres dans leur sous-développement. Le petit producteur de riz de la Vallée de l’Artibonite est très conscient de ce marché de dupes. Il peut vous dire que naguère il vendait un baril de riz pour acheter une belle robe à sa femme et se procurer personnellement un très beau costume. Aujourd’hui quand il vend un baril de riz, il arrive à peine à payer une pacotille à sa femme et un « pépé » à son fils. C’est cela que les économistes appellent, dans leur jargon, la détérioration des termes de l’échange. En outre, l’espoir de trouver dans les pays développés les portes grandes ouvertes aux produits agricoles venants de notre pays est un leurre. Car ces pays, étant des démocraties, ont des associations privées de producteurs qui mettent des barreaux solides derrière les portes officielles, afin d’empêcher que les produits importés viennent concurrencer la production locale. Récemment, l’expérience des producteurs d’agrumes de la Jamaïque a donné un éloquent exemple de la manière de faire et de la position des associations de producteurs dans les pays développés. Dans le cadre du plan Américain d’Initiative dans le Bassin des Caraïbes (CBI) les agriculteurs Jamaïcains se sont lancés dans la production d’agrumes visant le marché Américain. À la grande déconvenue de ces agriculteurs, les barrières douanières Américaines ne se sont pas ouvertes aux juteuses oranges Jamaïcaines, car, le cartel des producteurs de la Californie et celui de la Floride se sont opposés farouchement à l’entrée de produits concurrents sur leur marché. En fait, «charité bien ordonnée commence par soi-même». Cela n’est certes pas un principe biblique, mais un principe économique de pays riches.

Le fait de privilégier le marché domestique sur celui de l’exportation portera le ministère de la production à consacrer le gros de son appui à inciter la création de petites unités industrielles et artisanales tournées vers le consommateur Haïtien. En ce sens, une grande importance sera accordée au fonctionnement des coopératives. Le CAP fournira à celles-ci une assistance technique et des garanties de financement à long terme à faible taux d’intérêt. Pour offrir un excellent service, le CAP cherchera à trouver l’aide de l’organisation des Nations Unies pour le développement Industriel (ONUDI) et utilisera les informations et l’expérience de cette agence internationale en matière de projets industriels.

En somme, des industries de faible capacité de production sont favorables au développement d’une économie intégrée. Les petites usines ont l’avantage d’offrir des produits de qualité supérieure et utilisent une proportion de main d’œuvre plus élevée que les grosses unités industrielles. D’ailleurs, chez nous, ces dernières sont toujours en difficulté en raison de l’étroitesse du marché national et de la faiblesse des standards de qualité de leur production qui freine leur pénétration sur le marché extérieur. À telle enseigne que la majorité des grosses unités de production qui tournent actuellement dans le pays, le fait à moins de 50% de leur capacité installée. Cependant, il sera dans l’intérêt de la nation d’étudier la situation de certains gros investissements et de trouver des moyens pour ne pas les laisser mourir de dépérissement.

DU MINISTÈRE DU COMMERCE

L’appui de l’Etat au secteur privé ne sera pas gratuit. Le consommateur Haïtien devra être récompensé par le secteur privé de cette preuve de bonne foi des institutions publiques en faveur des producteurs. Le Ministère du Commerce veillera à ce que le droit du consommateur soit respecté et que le support de l’Etat aille uniquement aux méritants.

Toutes les activités de production et de services, sans exception, seront répertoriées et soumises à une licence d’établissement et de fonctionnement. Et les contrevenants seront rigoureusement sanctionnés par les instances compétentes en la matière. Le Ministère du Commerce traquera systématiquement tous ceux qui voudront se déroger à leur obligation. Par exemple, l’extension de la contrebande a pris dans le pays des proportions inquiétantes. L’Etat sévira contre ces malfaiteurs, car la contrebande est incompatible avec une société démocratique qui prescrit une égale opportunité pour tous. Parmi le train de mesures qui seront adoptées pour enrayer le mal de la contrebande, il faut mentionner la formation d’une brigade spéciale anti-corruption. Les biens entrés illégalement dans le pays seront confisqués par cette brigade quelque soit l’endroit où ils se trouveront. Ils seront ensuite transférés au Bureau National des Etats d’Urgence (BNEU) qui versera 25% de leurs valeurs monétaires sur le marché local à la brigade anti-corruption, 25% au syndicat des douaniers et les 50% restants, au trésor public. Les contrebandiers et leurs complices coupables de tels forfaits seront passibles de peines de prison augmentées d’amendes très fortes selon le cas.

Le Ministère du Commerce n’aura pas pour autant une fonction répressive. Il jouera essentiellement un rôle d’animateur de l’activité économique et de la libre circulation des biens et des richesses. Pour aider le secteur industriel à atteindre un haut standard de performance, ce ministère créera un Institut de Contrôle de la Qualité (ICQ). Le rôle de cet organisme consistera principalement à vulgariser dans le secteur économique les standards de qualité atteints dans les industries d’outre-mer et les procédures utilisées. Il fera des comparaisons avec les performances locales et vulgarisera les améliorations obtenues par l’Institut de Recherche Technologique, l’IRT. L’Institut de Contrôle de la qualité portera un accent particulier sur l’effort qui sera fait dans le domaine de l’emballage, du marketing et du développement des produits et de leur multiplication en rapport aux besoins et exigences des consommateurs locaux et étrangers. C’est une institution qui collaborera étroitement avec le secteur privé et sera ouverte à des recommandations généralement quelconques venant de tous les horizons. Toutefois, il sollicitera des producteurs le respect des performances moyennes obtenues dans la production locale et informera l’Etat sur les industries et les entreprises où aucun effort pour le progrès n’est ressenti. En cela, il sera pour le consommateur local l’investigateur des produits sur le marché et un œil avisé de leur valeur marchande.

En général, le Ministère du Commerce aura un regard très large en matière de services aux clients, fournis par le commerce, et aidera ce secteur à améliorer la qualité physique de la présentation des produits, et l’entraînement du personnel affecté à la vente. La vérité est qu’actuellement, l’accueil au client, que ce soit dans le privé ou dans le public, est une tristesse. C’est effrayant de voir dans une banque un caissier chasser un client sous prétexte qu’il l’ennuie. Et, le pire, c’est que ce genre de scène est courant. Dans certaines entreprises, la rebuffade est une règle dont le personnel se félicite de connaître toutes les ficelles. Et ce qui n’a pas de nom, c’est que ces déplorables manières sont souvent sélectives. Le client qui est rabroué peut se voir automatiquement suivre par un autre qui est reçu avec le grand sourire. Quelle affaire! Le Ministère doit aider à un changement d’approche dans le secteur de la vente et du service en général. Car, quand une entreprisse périclite, même quand cela est du à sa propre incompétence, c’est la nation toute entière qui perd quelque chose, aussi infime soit-elle. Il faudra encourager l’adoption dans le pays du principe que le client est roi. A tous les niveaux, la qualité devra être notre force. De toutes les façons, les Haïtiens qui viennent de l’extérieur n’accepteront pas ces procédés, après avoir connu autre chose ailleurs. Cela sera un facteur important de changement d’attitude de la part des services qui voudront attirer cette nouvelle catégorie de clients.

Nous devons envisager d’avoir des structures exports-imports assez flexibles, afin de rendre l’échange des biens et des services avec l’étranger compatible avec notre effort de production et la demande du marché local. En fait, à proprement parler, il n’y aura pas de barrières douanières, mais l’application d’un système de taxation sélective et temporaire affectant certains produits. Ce système sera établi en mettant l’accent sur l’amélioration de la qualité des services au niveau des douanes, et par le droit qui sera reconnu aux usagers de poursuivre l’Administration des Douanes en cas d’insatisfaction et de frustration découlant de mauvais service.

La direction du commerce extérieur aidera largement les exportateurs à pénétrer le marché extérieur. Il prendra, en grande partie, la responsabilité de créer un climat d’affaire favorable dans les pays où il existe une concentration de population Haïtienne. Ces haïtiens ont un important pouvoir d’achat, dans certains cas, très supérieur à celui du marché local. En fait, une campagne publicitaire sera entreprise pour positionner des produits –leader sur ces marchés. Ces produits serviront de tremplin pour atteindre des segments plus larges du marché international. Cela marchera mieux dans les pays où la fraction de la population Haïtienne est importante et active.

DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR.

Le rôle d’un ministère comme celui de l’Intérieur sera réduit dans la société fédérale démocratique, mais sera très important sous l’aspect de cohésion politique. Ce ministère aura sous sa tutelle des agences fédérales telle que le Service Anti-drogue (SAD), et la Direction des Affaires Régionales (DAR). Cette dernière, par exemple, aura en particulier le rôle de coordonner et de superviser les polices communales, celles de la circulation, des forêts et d’autres services auxiliaires, et de veiller à ce qu’elles accomplissent, sans bavure, leur tache de protection de la communauté civile. Ce ministère sera aussi responsable de la sécurité du territoire et en cette matière travaillera en étroite collaboration avec les gouverneurs et les forces armées.

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE.

Les Forces Armées du pays seront placées sous la tutelle du ministère de la défense. Mais, les trois armées, la marine, l’armée de l’air et l’infanterie seront des institutions autonomes ayant une direction générale commune, le Haut Etat Major des Forces Armées d’Haïti. Les Forces Armées redeviendront un corps professionnel et leur dignité sera rétablie devant la population. « La sécurité nationale étant tributaire du niveau de développement de la nation concernée, la première tache de défense nationale ne sera pas de fortifier une position mais de faire la chasse au sous-développement et à ses séquelles. Suivant ce concept, l’Armée, tout en protégeant les vies et les biens, aura rendez-vous dans les classes d’alphabétisation, dans l’érection des cités ouvrières, dans les champs à irriguer, sur les voies de pénétration à percer, dans les dispensaires et les hôpitaux à construire, sur les terrains de sport, partout où le bien-être du citoyen nécessitera ses connaissances, ses lumières, son courage moral et physique, son patriotisme. C’est le prix à payer pour une totale imperméabilité dans la structure de défense du territoire Haïtien. » (Col. Himmler Rebus, Directeur de l’Académie Militaire)

Des dispositions spéciales seront adoptées afin de faciliter le recrutement des femmes par les Forces Armées, et leur intégration dans les différents Corps Militaires. Les Forces Armées seront légalement protégées contre les interventions politiques des gouvernements et se consacreront à la protection du territoire national. Les corps militaires seront logés dans des casernes modernes, et ils seront équipés de matériel adéquat qui devra leur permettre d’accomplir leur devoir, le cas échéant, avec le plus haut niveau de professionnalisme et d’efficacité, Il y aura des installations militaires dans les principales zones stratégiques du pays. Et en retour du service que le pays attendra des militaires, l’Etat garantira du simple recru au plus haut gradé de l’Armée, une excellente condition de vie et d’épanouissement. C’est ainsi qu’il sera envisagé de construire des hôpitaux, des écoles, des centres sportifs et de loisirs pour les militaires et leur famille. Ensuite, le salaire des militaires sera ajusté sur le niveau de vie. Et après un état de service normal, le militaire aura droit pour sa retraite à une pension égale à la totalité de son dernier salaire. En plus, il sera envisagé des mesures spéciales visant à améliorer les conditions de vie des militaires à la retraite, et de ceux qui vivent actuellement dans la gêne.

Parmi les premières mesures, la base Navale Hamilton KILLICK de Bizoton sera déplacée sur l’Ile de la Gonâve. Cette nouvelle base militaire hébergera également un corps d’élite d’infanterie et une brigade aéroportée. Ce sera également le siège de l’Ecole Militaire Charlemagne PERALTE. Dans cet établissement, les futurs officiers des différents corps de l’armée recevront une formation qui les préparera à l’exercice de leur tache civique. Le corps de génie apportera sa collaboration à l’œuvre de réaménagement territorial et des unités de l’armée seront entraînées à la tache de protection civile au cours de désastres. Dans une société démocratique, un militaire est respecté, non en raison de la force qu’il incarne, mais du fait que son métier de soldat est pour le civil un exemple de civisme, de discipline et d’un amour de la patrie qui va jusqu'au sacrifice suprême. Toutefois, la création d’une armée forte ne vise pas à préparer la guerre, mais à s’en protéger.

A SUIVRE : DU MINISTÈRE DES RELATIONS EXTERIEURES