samedi 10 janvier 2009

VI- DU MINISTÈRE DES RELATIONS EXTERIEURES


Construisons Ensemble un État Démocratique, Moderne et Prospère

Par Paul G. Magloire
Décembre, 1986
(PAGES RETROUVÉES VI)



DU MINISTÈRE DES RELATIONS EXTERIEURES

Le Ministère des Relations Extérieures et Religieuses aura un rôle plus important que par le passé. Il aura sous sa tutelle la Direction de l’Emigration et de l’Immigration, les Maisons Haïtiennes qui seront établies dans la diaspora, la Direction de la Coopération, celle du Tourisme et le Service de Supervision des organismes non-gouvernementaux (ONG).

Nous entrons dans une ère où il sera de notre intérêt d’avoir une politique extérieure transparente. Les rapports sont en général de deux types : ceux qui lient les alliés, et ceux qui divisent les adversaires. Les critères de sélection des alliés et des adversaires tiennent compte des réalités internes et matérielles d’un pays. Pour nous, la participation à notre politique de développement servira à mesurer notre relation avec un pays étranger. D’ailleurs, ces dernières décennies nous ont amplement enseigné que l’alliance la plus profitable au pays est l’alliance d’Haïti avec les Haïtiens. Pour réussir notre projet de société nous devons compter d’abord sur nous mêmes.

La création de Maisons Haïtiennes dans des villes de pays étrangers, à forte concentration d’Haïtiens, sera dans la ligne de la politique de solidarité nationale. Les Haïtiens qui vivent dans la diaspora sont isolés de la vie nationale et tenus, par ignorance ou mauvaise foi, à l’écart des affaires du pays. Pourtant, cette partie de la population participe à la vie économique de la nation en envoyant de l’argent à des membres de leur famille et à des alliés restés dans le pays. Aussi, dans la mesure où les lois des pays d’accueil le permettront, les Maisons Haïtiennes à l’étranger serviront à offrir aux ressortissants Haïtiens de la diaspora un renforcement des liens avec la terre natale. Chaque maison sera dirigée par un gouverneur élu par les citoyens. Le gouverneur occupera la fonction de Consul Général. Il aura pour tache d’offrir à la communauté, en dehors des services consulaires traditionnels, beaucoup d’autres, tels que des services juridiques, financiers, bancaires etc.… De toute façon, le gouverneur aura un cabinet animé par des membres de la diaspora pour l’assister dans ses fonctions. Son mandat sera de quatre ans, comme pour les autres gouverneurs du pays. La Maison Haïtienne logera un centre culturel, un comptoir d’affaires et un bureau de l’Institut Fédéral des Elections (IFE). Le mécanisme de vote à la chambre législative a été étudié de façon à permettre à la diaspora d'élire ses députés à la chambre fédérale. Les députés, on se le rappelle, ne seront pas élus en fonction de délimitation géographique mais sur un critère démographique. En fait, la représentativité de la diaspora à la chambre fédérale, dans une figure parfaite, sera proportionnelle au nombre total de votants. Ce sera alors la véritable démocratie.

Le pouvoir consulaire conféré au gouverneur d’une Maison Haïtienne, sera un moyen de modifier notre politique en matière d’émigration et d’immigration. La vieille politique consistait à offrir toutes les facilités d’accueil à des étrangers dont les pays d’origine repoussent nos concitoyens. Ces pays devront choisir, ou bien d’offrir de meilleures conditions à nos frères, ou bien ils nous verront redéfinir nos relations avec eux. Le sort d’aucun Haïtien vivant à l’extérieur ne devra désormais nous laisser indifférent. L’Haïtien est maltraité partout, en grande partie, parce qu’il n’est pas dignement représenté dans le pays où il émigre et qu’il n’est pas mieux traité dans son propre pays d’ailleurs. Un programme « Bon Retour » sera étudié pour faciliter le retour et l'établissement à travers les différentes régions du pays, des citoyens qui avaient émigrés pour des raisons politiques ou économiques et qui jugeraient qu’il est venu le temps de regagner la terre natale. De même une vaste campagne publicitaire visera à intéresser les Haïtiens, qui ne souhaitent pas revenir définitivement, à visiter périodiquement leur pays pour leurs vacances. Il y aura à cet effet un système d’accueil approprié. Des hôtels et des sites touristiques, par exemple, seront financés dans les villes de provinces afin qu’ils offrent un service à des prix modérés à cette clientèle. Cette structure servira aussi au tourisme intérieur, car il faut remarquer que si l’Haïtien ne connaît pas son pays, c’est qu’une telle démarche est toujours une entreprise inconfortable et risquée, due à une absence d’infrastructures prévues à cet effet. Compte tenu de l’apprentissage qui se fera en offrant un service d’accueil à la population Haïtienne, les structures touristiques se développeront plus facilement afin d’offrir aux touristes étrangers un bon service à bon prix. Pour répondre au marché international, il sera même envisagé la création de deux mégalopoles avec des infrastructures touristiques très modernes. La création des Maisons Haïtiennes à l’étranger, l’intensification de la production artisanale dans les villages, l’institutionnalisation de foires dans les capitales régionales et surtout le maintien de la propreté du pays, seront tous des facteurs importants pour attirer et développer le tourisme local et étranger.

Le pays a relativement un nombre élevé de représentations diplomatiques à l’étranger. Mais la qualité de ces représentations est déplorable. Beaucoup de nos ambassades sont mal logées et fonctionnent avec un personnel peu qualifié qui fournit un rendement presque nul. D’ailleurs que pourrait-on exiger de personnes qui sont arrivées à des postes au hasard des circonstances et qui ne sont pas payées en fonction de leur qualification, mais en rapport à des critères obscurs même pour le ministère de tutelle. La première chaîne de mesure sera de réduire le nombre des représentations à l’extérieur et d’augmenter le personnel de celles qui restent. La tache de chaque membre d’une ambassade devra être définie spécifiquement et les nominations se feront sur une base de compétence uniquement. Certains postes, comme celui des Affaires Economiques et de Coopération avec les pays étrangers, devront requérir une véritable spécialisation diplomatique.

DU MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES

Une grande détermination et une bonne organisation politique seront importantes, mais insuffisantes pour assurer le décollage du pays. Le facteur financier revêtira une importance capitale. Il y a lieu de préconiser une politique concrète et transparente pour financer la Renaissance de la Nation Haïtienne.

1- Il sera étudié d’obtenir des financements à long terme, pour les investissements importants, des pays dont nous achèterons les équipements. C’est une pratique courante dans la mesure où les investissements sont choisis à partir de critères de nécessité, de rentabilité et de gestion. Ce sera le cas pour les projets d’extension du service de l’électricité, du téléphone et de la distribution de l’eau potable.

2- Les recettes fiscales devront couvrir la totalité des dépenses de fonctionnement de l’administration publique et les profits de la Banque Fédérale serviront à financer des investissements de l’Etat. En somme, l’Etat maintiendra une transparence et un assainissement de ses comptes de façon rigide et permanente pour assurer la crédibilité de sa gestion.

A noter que si d’ores et déjà, dans le cas du budget en cours, on éliminait les voitures de luxe dans les services publics, on réduirait les dépenses en énergie consommée, diminuerait les plus hauts salaires et améliorerait le temps d’exécution des taches, l’Etat pourrait épargner des dizaines de millions de dollars.

3- Une bonne gestion de l’Etat et l’absence de dépenses de prestige renforcera la crédibilité financière du pays et permettra de lancer sur le marché financier des bons et des obligations à moyens et longs termes pour financer des programmes de logement, d’hôtellerie, et de voies de communications. Des dispositions légales seront adoptées afin de permettre à des institutions du secteur privé qui ont des disponibilités monétaires, de participer au marché de financement.

4- L’instabilité politique, l’ingérence du gouvernement dans les secteurs sensibles ont provoqué l’évasion de l’épargne nationale à la recherche de sécurité, le maintien à l’extérieur des fonds de la diaspora, et éloigné l’investissement privé venant de l'étranger. Pour attirer et retenir des fonds, les lois fédérales prescriront l’inviolabilité du secret bancaire ; et il y aura l’établissement d’une assurance qui couvrira les comptes d’épargne et les dépôts à terme pour une limite donnée.

5- L’aide bilatérale et des instances financières internationales seront recherchées et acceptées en fonction des objectifs propres du pays.

Le Ministère des Finances s’occupera de la politique financière tandis que la Banque Fédérale aura la responsabilité de la politique monétaire. Les recettes de l’Etat reposeront en grande partie sur les impôts directs, les redevances et les bénéfices réalisés sur les investissements. La taxation se fera à trois niveaux, le fédéral, le régional et le local ; mais un organisme unique, la Direction Générale de Impôts et Taxes (DIGIT), aura la tache de percevoir les recettes. Toutes les couches de la population seront assujetties à l’impôt sur le revenu. Les lois fédérales prévoiront la possibilité pour les régions et les communes de bénéficier de crédits budgétaires par émissions de bons et d’obligations.

Chaque année, sur la base de rapports présentés par l’Institut National de Vérification des Comptes (INVECO), la chambre fédérale examinera les plafonds des crédits sollicités par les régions et donnera à la Banque Fédérale l’autorisation légale de débloquer les crédits. L’INVECO sera l’instance compétente pour toute la fédération en matière de contrôle et de vérification des comptes publics. L’Office National du Budget aura lui même le rôle de préparer les budgets publics. Il présentera à la chambre fédérale, au début de chaque exercice fiscal, un budget national consolidé, formé des budgets communaux, régionaux et fédéral.

Le budget fédéral aura trois segments : Le budget de fonctionnement, celui du développement et un budget de dotation. Le budget de fonctionnement sera distribué en proportion au nombre d’habitants par région. Cela aura pour effet d’encourager les gouvernements régionaux à accueillir les populations venant d’autres régions et de la diaspora, et aussi les inciter en ce sens à offrir des avantages concurrentiels à leurs résidents. Le budget de développement sera reparti entre les régions, en fonction de l’échelle de priorité du gouvernement fédéral. Ce qui laisse prévoir que les plus importants postes de ce budget seront ceux affectés à l’irrigation, à l’énergie, à la reforestation et au développement de la production et de l’équipement. Le dernier composant du budget fédéral, celui de la dotation, est envisagé dans des buts spécifiques. Il sera créé afin de réparer les torts qu’ont subis les provinces au profit de Port-au-Prince. Il sera affecté au financement du «Programme Bon Départ » pour un montant de DEUX CENTS MILLIONS DE DOLLARS (200.000.000$) au moins sur une période de cinq ans. Le schème de répartition générale sera le suivant : SIX MILLIONS iront à chaque région pour l’aménagement de sa capitale, TROIS CENT MILLE à chaque commune pour la construction d’infrastructures et d’édifices publics, et finalement CENT VINGT MILLE DOLLARS à chaque section communale pour la construction d’un centre communautaire et d’une petite unité de production. De leur coté, des zones suburbaines de la région de Port-au-Prince qui ont été dénommées section rurale par l’ancienne coupure géographique, utiliseront les fonds de dotation à l’asphaltage ou au pavage des rues et à l’aménagement de places publiques.

DU MINISTÈRE DE LA PRÉSIDENCE
Maintenant, on peut se demander si le pays a la potentialité administrative nécessaire à la gestion de ce projet de développement. En fait, l’un des plus grands problèmes des pays en voie de développement est la pauvreté des ressources humaines. Il faut près de vingt ans aux institutions scolaires pour produire un cadre, et le coût est toujours très élevé. Heureusement, notre pays est perché à un haut niveau en ce qui attrait à l’existence de telles ressources, mais elles ont été jusqu’à présent mal utilisées. Avec l’ancien régime, une corruption généralisée et une mauvaise foi des cadres non-corrompus ont tenu l’administration publique à un niveau d’efficience presque nul. Par exemple on eut à voir des techniciens qualifiés, qui avaient fourni la preuve de leur grande compétence dans des pays d’outre-mer, revenus chez eux pour se convertir très rapidement en vulgaires prévaricateurs, seulement comparables aux flibustiers de l’ère coloniale.

Il est nécessaire d’entraîner une réforme fonctionnelle de l’administration de toute urgence. Cependant, cette réforme ne visera pas à détruire des ressources coûteuses et importantes. Il s’agira de les rendre opérantes, fonctionnelles dans un nouveau cadre d’opération défini par d’autres échelles de valeur, et d’après de nouveaux objectifs. L’un des moyens de cette réforme sera l’instauration d’un système de vérification à double ou plusieurs volets, dans le but de freiner la tendance au coulage ou à la prévarication. Nous ne devons pas admettre l’idée négative que nos cadres sont incapables ou irrécupérables. Nous considérons qu’il se trouve que certains cadres fournissent de mauvais résultats dans leur travail du fait qu’ils fonctionnent dans le désordre et dans un système qui n’exige pas de responsabilité par rapport à leur fonction. Il va en être tout autrement et un code de la Gestion Publique est appelé à fixer les principes et les modalités. Ensuite, il sera du devoir des prochains gouvernements de mettre chaque employé à la bonne place afin qu’il puisse servir véritablement et s’épanouir. De toute façon, il faudra dans le processus de la normalisation de l’administration publique procéder à des tests de qualification par poste. Ceux qui auront obtenus un coefficient positif seront maintenus à leur fonction. Les autres seront orientés vers des centres de formation ou d’entraînement aux frais de l’Etat. S’il y en a qui ont encore des résultats de tests trop bas, après le temps de formation, ils seront transférés à des postes de qualification moindre. Enfin, la mise à pied sera une décision ultime qui expliquera que toutes les chances de récupération ont été épuisées.

Il existera un nombre important de cadres à revenir au pays. L’étude de leur curriculum commencera depuis leur lieu de résidence à l’extérieur, dans le cadre d’un « programme Bon Retour » qui sera réalisé par la Direction de la Reforme Administrative. Les cadres vivant à l’extérieur seront contactés ou auront à prendre l’initiative de s’inscrire dans le consulat le plus proche de leur résidence. Ils recevront des propositions de travail au pays en fonction de leur expérience et de leur qualification. Le code de l’administration publique que publiera la Direction de la Réforme Administrative (DRA) sera un outil d’orientation et d’information important pour les cadres. Il apportera des précisions en matière de normes et standards de qualification exigés dans l’administration fédérale, régionale et locale. Et une brochure publiée par la Direction de l’Information fournira périodiquement des renseignements sur les postes vacants et les appels d’offres d’emplois dans le secteur public et privé. Cette brochure mentionnera, également, les indices du coût de vie par région et un profil général de la situation économique et sociale du pays.

La sécurité de l’emploi est un facteur important pour garantir l’éthique professionnelle au sein de l’administration. Il y aura un divorce radical avec deux attitudes négatives. Premièrement, il y a celle qui consiste, pour chaque nouveau ministre, de procéder à un remaniement de son administration en faveur de son équipe à lui, et au détriment de cadres qui avaient payé à l’administration leur tribut de travail assidu et honnête. Deuxièmement, le cas des fonctionnaires qui, une fois leur temps de service accompli, sont rejetés dans la gêne comme du papier usé. Le code de l’administration interdira les changements non justifiés, ensuite recommandera que les pensions des anciens fonctionnaires soient annuellement indexées aux salaires courants. La tendance au vol et à la corruption dans l’administration est fortement liée à la précarité de la vie de la retraite. Nous devons reconnaître qu’un fonctionnaire honnête ne peut compter ni sur une épargne personnelle, ni sur sa pension pour mener une vie de retraite décente. On prendra en exemple un ingénieur des travaux publics qui a fini sa carrière, il y a quinze ans, avec un salaire de QUATRE CENTS DOLLARS ($400.00), et vit aujourd’hui dans la gêne avec une pension de DEUX CENTS DOLLARS ($200.00). Tandis que les titulaires du même poste gagnent aujourd’hui plus du triple de ce salaire. Il faut se rendre à l’évidence que l’honnêteté n’a pas été encouragée. Il faudra arriver à indexer le salaire des fonctionnaires sur l’évolution du niveau de vie et corriger la distribution irrationnelle des frais corrupteurs.

Bien entendu, une fois des mesures de remise en ordre adoptées, la corruption, le laxisme et le parasitisme doivent être rigoureusement réprimés par les services de supervision de la Direction de la Reforme Administrative.

Le Ministère de la Présidence fera la coordination entre les différents ministères et organismes de l’administration publique. Il aura également sous sa tutelle la Direction de l’Information, la Direction de la Documentation, et la Direction de l’Ordonnancement Général (DORGE). En fait, la DORGE aura le rôle étendu de synchroniser l’évolution de toutes les activités en tenant un tableau de bord national bâti sur un modèle de plan par objectif. Et elle s’occupera de la coordination régionale.

Il y aura un grand changement dans le concept de la gestion de l’information par l’Etat. Traditionnellement, les gouvernements se situaient au centre de la propagande de l’Etat. Le choix sera de centrer les informations et la propagande sur le peuple Haïtien, le pays, et nos produits. D’ailleurs, ils sont les seuls dignes d’être montrés pour refaire l’image de la nation Haïtienne. Des mesures seront adoptées pour réduire le goût de nos gouvernements pour le culte de la personnalité. C’est dans le cadre de ces mesures que le Palais National deviendra tout bonnement le Palais du Gouvernement et servira à abriter les départements ministériels éparpillés dans le pays. Nos futurs « chers présidents » devront désormais se contenter d'une simple résidence, bien sur, payée par l’Etat. Il ne s’agira plus de cautionner cette immoralité de loger le chef de l’Etat dans un palais, quand 75% de la population vit dans des cahutes à toit de chaume.

A SUIVRE : RESTRUCTURATION DE LA COMMUNAUTE RURALE ET URBAINE


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